Dans l’Église orthodoxe russe, cette procession solennelle dite «krestny khod», a absorbé des traditions rituelles préchrétiennes.
Chaque chrétien réalise sa première procession de la croix immédiatement après le sacrement du baptême. La plupart le font toutefois dans les bras d’un adulte, car eux-mêmes sont encore bébés à ce moment-là. Selon les règles du baptême, après trois immersions dans l’eau et l’onction, le nouveau chrétien fait trois fois le tour des fonts baptismaux (un bassin en pierre surélevé) derrière le prêtre, qui tient une croix dans sa main. Si un bébé est baptisé, il est porté dans les bras de son parrain.
La procession est un service divin spécial : des gens prient en chantant des louanges et des requêtes à Dieu tout en suivant la sainte croix et les icônes, les prêtres et les chanteurs. Ils font le tour d’un site particulier ou marchent en direction de celui-ci, par exemple une église ou une ville. La particularité de la procession de la croix est que ce service est effectué hors des murs du lieu de culte, il est donc ouvert à tous.
D’où vient le chemin de croix ?
Les sept trompettes de Jéricho. James TissotMusée juif, New York/Domaine public
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Il s’agit d’une ancienne tradition chrétienne, bien qu’elle ne soit pas mentionnée dans la Bible sous ce nom. L’Ancien Testament évoque deux processions : les Hébreux faisant le tour des murailles de Jéricho avec l’arche de l’Alliance, et le transport de l’arche de l’Éternel par les rois David et Salomon. Ces épisodes bibliques peuvent être considérés comme des prototypes de la procession, ainsi que l’entrée du Seigneur à Jérusalem, lorsque Jésus-Christ était acclamé par le peuple aux cris de « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël ! ».
On pense que les processions sont apparues comme une réponse à celles organisées par les Ariens hérétiques à Constantinople à l’époque de Jean Chrysostome (IVe siècle après JC). Pour s’y opposer, des marches chrétiennes où l’on chantait des psaumes, des litanies, des hymnes et des prières ont été établies. De la tradition byzantine, la procession est passée aux chrétiens orthodoxes russes.
Les différentes versions des processions
Procession de la croix dans la province de Koursk, 1880-1883. Ilia RépineGalerie Tretiakov/Domaine public
Les processions sont divisées en deux types : ecclésiastiques et spontanées. Les premières constituent une partie obligatoire du culte. Par exemple, la procession autour de l’église pour Pâques, le tour du bassin après le baptême, ou une marche effectuée à trois reprises autour du temple par les fidèles après sa consécration.
Des processions religieuses spontanées sont effectuées avec la bénédiction du prêtre. Elles incluent, par exemple, des marches accompagnées de prières dans les champs pendant une sécheresse, ou en mémoire de saints, ou en cas d’aide miraculeuse de Dieu.
En termes de durée, il y a des processions d’une journée (ce sont les plus fréquentes) et de plusieurs jours, lorsque les croyants parcourent plusieurs kilomètres avec des arrêts pour la nuit.
La procession comme facteur d’unification
Procession de la croix, 1893. Illarion PrianichnikovMusée russe/Domaine public
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Au XVIIe siècle, la question de l’orientation de la procession devient l’un des enjeux majeurs de la querelle entre partisans des rites « ancien » et « nouveau ». Traditionnellement, la procession était effectuée « selon le soleil », ou dans le sens des aiguilles d’une montre. Les réformes de Nikon ont toutefois dirigé ce mouvement contre le soleil (sens antihoraire), ce qui s’est transformé en pomme de discorde et a constitué l’une des causes du schisme de l’Église orthodoxe russe.
Cependant, au fil du temps, les processions sont devenues l’un des rares rituels qui unissaient les orthodoxes et les vieux-croyants, ces derniers refusant la réforme. À partir de la scission de l’Église, il était interdit aux vieux-croyants d’organiser des « krestny khod », de faire sonner des cloches, de construire des églises, etc. Cependant, les vieux-croyants n’ont pas cessé de louer le Seigneur. Dans le même temps, de nombreuses icônes anciennes et très vénérées se sont retrouvées à l’intérieur des nouvelles églises, où il était interdit aux vieux-croyants de pénétrer. Seule la procession de la croix, au cours de laquelle les croix et les images saintes étaient sorties du temple, permettait donc aux vieux-croyants de prier devant elles.
Procession de la croix vers la rivière Velikaïa, années 1980Stanislav Сhakleïne/MAMM/MDF/russiainphoto.ru
Le sens principal de la procession est formulé dans l’Évangile selon saint Matthieu : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux », dit le Christ. Ceux qui suivent la croix et les icônes dans le cadre d’une procession solennelle pensent que Jésus en personne les mène spirituellement.
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