Ukraine: front ouvert contre l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou

L’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou est, en toute logique et conformément à l’histoire commune du territoire ukrainien avec la Russie depuis un millénaire, l’Eglise historique orthodoxe sur ce territoire.

Après le Maïdan, les exactions commises contre l’Eglise orthodoxe canonique se sont démultipliées pour arriver aujourd’hui à un projet de loi déposé devant entraîner sa suppression. L’Eglise est une force réelle, civilisationnelle en plus de spirituelle. Elle porte le Monde russe, ce Monde que l’Ukraine est sommée de détruire pour sceller l’avènement du Monde global.

Historique de la répression contre l’Eglise orthodoxe ukrainienne 

du Patriarcat de Moscou

Dès la fin de la période soviétique, à la fin des années 80, des groupes nationalistes ukrainiens et radicaux (ressortant des néonazis Bandéristes) ont déjà été activés pour attaquer l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou.

Avec la chute de l’Union soviétique et la dislocation de la Russie historique en plusieurs Etats, l’Eglise orthodoxe russe a dû se réorganiser et en 1990 l’Eglise ukrainienne orthodoxe du Patriarcat de Moscou (UOC) a été fondée.

  Parallèlement, deux groupements religieux importants concurrents se sont développés : l’auto-déclarée «Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev» et «l’Eglise orthodoxe autocéphale d’Ukraine». En 2018, le Patriarcat de Constantinople est entré dans le jeu politique contre le Patriarcat de Moscou et a déclaré être prêt à reconnaître l’autocéphalie d’une Eglise ukrainienne orthodoxe (OCU) (voir notre texte ici), qui finalement est entrée dans le Patriarcat de Constantinople (voir notre texte ici). Le rôle de la Turquie dans ce conflit en Ukraine, quelles qu’en soient les formes, sera réellement à analyser de manière autonome.

Ce processus de démembrement de l’Eglise orthodoxe du Patriarcat de Moscou s’est accompagné d’une vague d’exactions et de répressions. L’on peut distinguer trois périodes : avant les révolutions de couleurs, entre le Maïdan et le début de l’Opération militaire spéciale et, aujourd’hui, lors de l’Opération militaire spéciale, chaque période étant de plus en plus dense et violente.

«Plus d’une douzaine d’attaques contre les Eglises de l’UOC ont été menées par des partisans du «Patriarcat de Kiev» en juin-août 1992: puis des églises à Lutsk, Rovno, Dnepropetrovsk, Jitomir ont été saisies, les laures de Kiev-Petchersk et Pochaev ont été attaquées . Le 23 juillet 2000, le jour de la mémoire de St. Antoine des Grottes, un groupe de 200 nationalistes ukrainiens, dirigé par le député de la Verkhovna Rada Oleg Soskin, a tenté de s’introduire dans la laure de Kiev-Petchersk. Ils ont exigé des paroissiens de l’UOC «de ne pas profaner la terre ukrainienne par leur présence» et «de retourner vers leur Moscou».»

Ces attaques furent désormais courantes et le mouvement s’est aggravé après le Maïdan :

«Selon l’Église orthodoxe ukrainienne (du Patriarcat de Moscou), en 2014-2016, le «Patriarcat de Kiev» s’est saisi  de40 églises de l’UOC. En 2017, 19 autres églises de l’UOC ont été attaquées par des radicaux, en 2018 — plus de 10.» 

L’ampleur des exactions commises, dans un silence total de la communauté internationale, laisse songeur:

«Le 24 décembre 2019, le métropolite Antoine (Pakanich) de Boryspol et Brovarsky, chargé des affaires de l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou, a déclaré que plus de 250 poursuites pénales ont été engagées en Ukraine pour des attaques contre des paroisses et des paroissiens de l’UOC. Selon lui, 78 paroisses de l’Église orthodoxe ukrainienne ont volontairement été transférées sous la juridiction de l’OCU. 220 autres paroisses ont été illégalement réenregistrées et affectées à l’OCU, et environ 100 églises ont été saisies suite à un raid.

Le 6 octobre 2021, le métropolite Anthony (Pakanich) a signalé qu’environ 500 crimes ont été enregistrés, liés au réenregistrement illégal des statuts des communautés religieuses de l’UOC en faveur de l’OCU, ainsi que 144 cas de saisie illégales d’églises de l’UOC par schismatiques.»

Vers une liquidation de l’Eglise orthodoxe ukrainienne historique

Expropriations et répressions sont monnaie courante dans la nouvelle Ukraine atlantiste. Depuis le début de l’Opération militaire spéciale, la situation s’est encore aggravée. L’on ne compte plus les perquisitions et saisies de documents et matériels informatiques, au motif d’une «propagande pro-russe» dans les églises orthodoxes canoniques ukrainiennes, ni les tentatives de prise par la force des paroisses. L’on note également le contrôle des paroissiens, qui osent continuer à se rendre nombreux dans les églises du Patriarcat de Moscou. Certaines églises se mettent même à brûler — c’est certainement le mégot de Notre-Dame, qui continue à faire des dégâts. 

Parallèlement à tout cela, des mesures juridiques mettant en danger l’existence de l’Eglise orthodoxe ukrainienne historique sont adoptées par le pouvoir atlantico-extrémiste de Kiev : il s’agit de sanctions individuelles adoptées et de décisions de déchéance de nationalité adoptées à l’encontre des membres de l’Eglise orthodoxe du Patriarcat de Moscou, autant que du projet de loi visant à interdire l’existence de cette Eglise.

Sur recommandation du Conseil national de sécurité et de défense ukrainienne, Zelensky a adopté le 7 janvier, jour du Noël orthodoxe, des sanctions individuelles contre 22 membres de l’Eglise russe du Patriarcat de Moscou. Parallèlement, le 24 janvier, Zelensky a renforcé les sanctions adoptées contre les membres de l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique (fondées sur son oukase du 2 décembre 2022) et en a adopté de nouvelles à l’encontre d’une dizaine de personnalités, notamment le Métropolite Pavel, à la tête de la Laure de Kiev Petchersk.

Après que l’Eglise ukrainienne schismatique ait été autorisée à célébrer des offices dans la Laure de Kiev Petchersk, ce qu’ils ont réalisé de manière scandaleuse, le métropolite Pavel a qualifié de «démon vivant» le Métropolite de l’Eglise schismatique. Ceci lui vaut l’ouverture d’une affaire pénale pour rien moins qu’incitation à la haine religieuse.

Toujours le 7 janvier, Zelensky déchu de leur nationalité 13 prêtres de l’Eglise ortohoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou, parmi eux se trouverait (car l’oukase de Zelensky n’est pas publié) le Métropolite Ionafan de Tulchinsky et Bratslav, que le SBU soupçonne de haute trahison.

Poussant la haine à son paroxysme et la logique du démembrement de l’Eglise orthodoxe ukrainienne légitime et historique à sa fin logique, le Gouvernement ukrainien a déposé à la Rada un projet de loi emportant l’interdiction de l’Eglise othodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou. Cette démarche s’inscrit dans la suite de l’oukase présidentiel du 2 décembre 2022, appliquant la décision du Conseil national de sécurité et de défense du 1er décembre 2022, qui prévoit entre autres :

«Soumettre, dans un délai de deux mois, pour examen par la Verkhovna Rada d’Ukraine un projet de loi sur l’impossibilité d’activités en Ukraine d’organisations religieuses affiliées à des centres d’influence de la Fédération de Russie (…); assurer dans un délai de deux mois la vérification de l’existence de fondements juridiques et du respect des conditions d’utilisation des biens par les organisations religieuses situées sur le territoire de la zone historique et culturelle nationale protégée de Kiev-Pechersk.»

Par ailleurs, cet oukaze comprend des dispositions donnant ordre d’activation des mesures de répression contre l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou :

«Le Service d’État ukrainien pour l’ethnopolitique et la liberté de conscience est chargé d’assurer, dans un délai de deux mois, conformément à la loi ukrainienne « sur la liberté de conscience et les organisations religieuses », un examen religieux de la Charte sur l’administration de l’Église orthodoxe ukrainienne, au regard de l’existence d’un lien ecclésiastico-canonique de l’Église avec le Patriarcat de Moscou, et si nécessaire appliquer les dispositions législatives.

En outre, le Service de sécurité d’Ukraine, en collaboration avec la Police nationale d’Ukraine et des autres organes de l’État dont la compétence comprend les questions de la sécurité nationale, est chargé d’intensifier les mesures visant à identifier et à contrer les activités subversives des services spéciaux russes dans le domaine religieux en Ukraine.» 

Le projet de loi déposé à la Rada reprend en substance l’interdiction des organisations religieuses, affiliées à un centre de pouvoir à Moscou. Le Métropolite Onufrïi, à la tête de l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique, s’est adressé au Secrétaire général de l’ONU pour l’alerter sur la discrimination dont les croyants orthodoxes font l’objet en Ukraine et demander son aide à l’ONU.

Toutefois, il semblerait que l’ONU soit parfaitement au courant. En effet, cette adresse intervient après que l’assistante du Secrétaire général de l’ONU ait déjà déclaré que l’ONU est inquiète de ce projet de loi et demande que les perquisitions dans les églises soient réalisées en conformité avec le droit international. Cette déclaration, sans aucune conséquence, a été faite le 17 janvier. L’hypocrisie du système international se porte à merveille.

La communauté internationale est démonstrativement absente de la question. La religion chrétienne, en général n’est pas à la mode dans ce monde post-moderne. Sans Dieu, tout est permis, écrivait Dostoïevsky.

Ces élites hors-sol et infantiles ne supportent de toute manière aucune limite à leurs caprices. Le seul moment où l’Eglise devient intéressante, c’est lorsqu’elle permet de défendre l’ordre global : quand Rome défend le vaccin, les LGBT, les migrants et condamne la Russie, ou encore quand une Eglise renégate orthodoxe peut être instituée en Ukraine pour aider à légitimer le pouvoir extrémiste et vendu.

Dans les autres cas, l’on peut détruire les églises, saccager les cimetières, ouvrir des affaires pénales contre les prêtres, etc. Ce pouvoir mis en place à Kiev, tant qu’il est loyal à l’ordre global, n’a donc rien à craindre.

Karine Bechet-Golovko

SOURCE

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