Restrictions européennes sur le cacao: du « chantage » et un moyen de « ne pas payer les primes »

L’UE a décidé d’interdire l’importation de certains produits qui contribuent à la déforestation. Pour deux experts ivoiriens interrogés par Sputnik, c’est du chantage et cela aura des conséquences sur l’économie de leur pays. Lequel pourrait aussi, selon eux, se rapprocher d’autres partenaires, notamment la Russie.

L’interdiction européenne de l’importation des produits qui contribuent à la déforestation risque d’avoir un impact « immédiat » sur les producteurs de cacao de Côte d’Ivoire, ont estimé des analystes ivoiriensdans un entretien accordé à Sputnik.

« Nos planteurs vivent de la production du café et du cacao, qui représente une marge importante de l’économie » du pays, et ils « souffriront de cette décision et cela va rejaillir d’une manière ou d’une autre sur l’économie nationale qui va en payer les frais », a déclaré l’économiste Segui Boka.

Selon lui, cette décision est étroitement liée à l’ultimatum posé par la Côte d’Ivoire et le Ghana auprès des multinationales de cacao, accusées de ne pas honorer leurs promesses faites aux producteurs locaux:

« C’est tout simplement pour ne pas payer les primes. Pour ne pas le faire, ils réduisent les planteurs au silence […]. C’est une décision purement stratégique et politique. Et c’est aussi une manière de fuir leurs promesses. Et de ne pas tenir parole ».

Pour un autre spécialiste ivoirien, « cette décision apparaît ainsi comme une sanction de l’UE qui soutient ces multinationales ». Et ce, alors que « la Côte d’ivoire et le Ghana viennent de réclamer sans succès les primes promises », souligne Kouassi Dieudonné Konan, ingénieur de conception en pétrole et gaz option forage et promu d’une université de Saint-Pétersbourg.

Comme « les multinationales occidentales représentent leurs États », cette décision européenne signifient que ces entreprises y « ont contribué », a précisé M.Boka.

Un jeu « malhonnête » de l’UE

En plus de cela, il s’agirait d’une « forme de chantage », le Vieux Continent jouant « un double jeu »:

« Nous sommes ici dans un système malhonnête envers les Africains. L’UE refuse d’augmenter le prix du cacao qui bénéficierait aux planteurs de nos États. Les revenus de nos exportations sont gérés par un pays membre de l’UE. La moitié de nos gains d’exportation sont retenus chez eux. Et on nous reverse cela comme prêt ou don », toujours selon lui.

De son côté, M.Konan estime que « le chantage est plus que perceptible » sur cette question.

Réorienter ses liens commerciaux

D’après les interlocuteurs de Sputnik, ce blocage devrait pousser les autorités ivoiriennes à réviser leur politique commerciale avec l’UE, dans l’intérêt du pays.

« L’économie ivoirienne est basée en partie sur le café et le cacao, cette décision pourrait évidemment ralentir l’économie ivoirienne », indique M.Boka.

En plus de cela, elle pourrait servir de point de départ pour réduire la dépendance économique du continent africain de l’UE et pour « se tisser d’autres liens », poursuit-il. Parmi les éventuels partenaires figure la Russie, « une grande puissance économique »:

« Les pays d’Afrique, notamment la Côte d’Ivoire, gagneraient à améliorer les accords avec la Russie. À mieux se rapprocher de la Russie sur le plan agricole ».

Selon M.Konan, elle pourrait jouer un rôle important car elle dispose « de technologies et de capitaux importants. C’est l’un des pays qui offre des accords satisfaisants, d’égal à égal ».

Nouvelles règles de l’UE

À part le cacao, l’interdiction européenne, actée le 5 décembre, concerne aussi le café et le soja. Ces produits ne doivent pas être issus de la déforestation depuis le 31 décembre 2020 et doivent être légaux au regard du droit du pays.

Entre temps, aucune nouvelle plantation n’a été créée depuis 2018, selon le Conseil Café Cacao (CCC), organe gouvernemental ivoirien. Le pays veille sur la traçabilité de son cacao, a estimé un responsable du CCC auprès de RFI, raison pour laquelle cette décision n’affecterait pas les producteurs.

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