Depuis le 1er janvier dernier, le financement du RSA pour la Seine Saint Denis a été recentralisé. C’est la 4ème collectivité à bénéficier de cette reprise en main de la part de l’Etat après Mayotte, la Guyane et La Réunion. En cause, une charge de plus en plus infinançable pour les départements. C’est dans ce contexte que la Cour des comptes vient de dresser un bilan du RSA, 14 ans après sa mise en place : or, il apparait que tous les indicateurs sont dans le rouge.
- 15 milliards d’euros par an, soit 7 882 euros par allocataire
En 2009, la dépense d’allocation du RSA était de 8,3 milliards d’euros contre 12,4 milliards en 2019. En y ajoutant les dépenses d’insertion (2,3 milliards d’euros dont 997 millions financés par les départements) et les dépenses de gestion administrative (265 millions d’euros), la dépense totale associée au RSA est de 15 milliards d’euros.
En décomposant, cela revient à une dépense d’allocation de 6 543 euros, de 1 200 euros de dépenses d’insertion et 139 euros de frais de gestion par allocataire, soit une dépense totale de 7 882 euros par allocataire.
- Une dépense qui a augmenté de 70,3% contre des recettes qui ont augmenté de 19,7%
Si entre 2009 et 2019, la dépense liée au RSA a augmenté de plus de 70%, la Cour des comptes souligne que son financement est « inadapté et non durable ». Les recettes qui financent le RSA ont augmenté de +19,7% sur la période et repose sur un empilement de mécanismes (TIPP-TIPCE, FMDI, DCP, FSD) et deux fonds de soutien exceptionnel actionnés en 2015 et en 2019.
En parallèle, le reste à charge RSA à financer par les départements est passé de moins de 1 milliard d’euros en 2009 à plus de 4 milliards en 2019.
- +8% des bénéficiaires par an
La crise du Covid aura fait passer le cap des 2 millions d’allocataires, avec un pic à 2,1 millions en novembre 2020 contre moins de 1,4 million d’allocataires en 2009, ce qui représente +8% en glissement annuel.
Au final, 4,8% de la population âgées de 15 à 69 ans bénéficient du RSA et en prenant en compte la composition des foyers, la population couverte par le RSA est, elle, passée d’environ 2,6 millions en 2009 à près de 4 millions en 2019/2020.
- 7 ans après, 42% des bénéficiaires sont encore au RSA
Sur une cohorte d’allocataires, 7 ans après leurs entrées dans le RSA, 34 % d’entre eux sont en emploi, 24 % sont sortis du RSA sans emploi et 42 % sont encore au RSA. La Cour des comptes parle là d’un « halo du RSA ».
Enfin, si l’on se penche sur le stock actuel des bénéficiaires, en 2019, sur les 2,1 millions de bénéficiaires du RSA, 15% des étaient dans le dispositif depuis plus de 10 ans. Ainsi, la Cour des comptes estime que les chances de sortir du dispositif sont « divisées par quatre à partir de six ans et par plus de six à partir de 10 ans ».
- 30% de non-recours
Le manque d’information, la complexité des démarches, des conditions d’accès, des règles de gestion, la stigmatisation sociale, tout cela renforce le non-recours : la Cour estime que 3 personnes sur 10 potentiellement éligible au RSA n’en font pas la demande… une démarche qui peut être volontaire d’ailleurs (refus de la logique des droits et devoirs, craintes des contrôles des ressources, etc).
- 1 milliard de fraude potentielle
La complexité des dispositifs entretient également la fraude. Ainsi, les CAF estiment que la fraude au RSA représentait 323 millions d’euros en 2019, soit 60% de la masse financière et 46% des fraudes détectées pour l’ensemble des prestations versées. Mais attention, il ne s’agit que de la fraude détectée qui augmente d’année en année (120 millions d’euros en 2014, pour rappel) avec la lente amélioration des contrôles.
Au final, la CNAF, de son côté, estime que la fraude potentielle autour du RSA est de 1 milliard d’euros.
- Seulement 40% des bénéficiaires bénéficient d’un accompagnement
Il est prévu que les bénéficiaires du RSA « rencontrant des difficultés particulières susceptibles d’empêcher le retour vers l’emploi sont orientées vers un parcours social ». Or, selon une enquête de la Drees, reposant sur des données déclaratives, seulement 4 bénéficiaires sur 10 ont un accompagnement contractualisé, pour encourager l’activité et les orienter vers un accompagnement professionnel. 5 sur 10 si l’on ne compte que les personnes bénéficiant du RSA depuis plus de 5 ans.
Et de la minorité de bénéficiaires ayant signer un contrat d’engagement réciproque (CER), la Cour pointe que 76% des CER ne contiennent aucune action orientée vers la préparation à la recherche d’emploi… 80% pour les personnes bénéficiant du RSA depuis plus de 5 ans. D’ailleurs 35% des bénéficiaires attendent un meilleur suivi contre 12%, une augmentation de l’allocation.
- Moins de 3 entretiens par an
60% des bénéficiaires déclarent avoir eu entre 0 et 3 entretiens d’accompagnement sur la dernière année et 11% n’en ont eu aucun. Un chiffre qui dépend aussi de la structure en charge dans le département car si, sur le territoire, 41% des bénéficiaires sont pris en charge par Pôle Emploi, ce taux tombe à 0% en Corrèze contre 71% à la Réunion. 31% sont pris en charge par le Conseil départemental et 22% par des partenaires (CAF, CCAS, etc).
Enfin, selon les départements, on compte entre 55 et 144 bénéficiaires suivi par travailleur social et le taux d’absentéisme au rendez-vous est de 30% en Gironde.
- 3,9% par mois, le taux de retour à l’emploi
Seulement 29% des bénéficiaires pensent que le RSA leur permettra de trouver un CDD ou un emploi en intérim et seulement 21% espèrent trouver un CDI. Il faut dire que le taux de retour à l’emploi est particulièrement bas pour les bénéficiaires du RSA : alors que ce taux est de 8,2% par mois pour les demandeurs d’emplois en 2019, il tombe à 3,9% par mois pour les bénéficiaires du RSA… soit en-dessous encore du taux des demandeurs d’emploi de longue durée (6,5%) et des demandeurs d’emplois de plus de 50 ans (4,6%).
- Entre 23 % et 26 % des entrants à l’AAH proviennent, chaque année, du RSA.
Au final, 4 bénéficiaires sur 10 sortent du dispositif sans emploi. Un quart des sorties du RSA, 26%, concerne un passage dans le système de l’AAH, un phénomène stable et observé par la Cour de comptes depuis 2011. En effet, entre 2011 et 2017, entre 23 % et 26 % des entrants à l’AAH proviennent chaque année du RSA. L’AAH représente d’ailleurs une allocation de subsistance plus important (904 euros par mois pour une personne seule en 2021 contre 565 euros pour le RSA).