Face au risque de pénurie alimentaire, les Français sont-ils bien protégés ?

Porter un masque pour lutter contre un virus, pourtant respiratoire, serait donc inutile. Face au risque de pénurie alimentaire, le gouvernement osera-t-il affirmer qu’il n’est pas efficace de se nourrir pour lutter contre la faim ?

Le risque de pénurie alimentaire mondiale est devenu une réalité tangible. Cette information délivrée un premier avril a pu laisser un parfum de mauvaise blague aux Français confinés depuis des semaines dans l’immobilité astreinte de leur existence. Ou peut-être leur a-t-elle semblé exagérée, lointaine, rassurés par le va-et-vient incessant des camions de livraison qui bravent ce silence imposé sur l’ensemble du territoire pour entretenir l’illusion de l’abondance.

Pourtant, l’ONU, l’OMS et l’OMC ont été unanimes dans leur avertissement conjoint : « Les incertitudes liées à la disponibilité de nourriture peuvent déclencher une vague de restrictions à l’exportation », provoquant elle-même « une pénurie (alimentaire) sur le marché mondial ».

La pandémie de Coronavirus répand dans son sillage les graines d’un cataclysme économique et financier dont l’Europe goûtera à peine les fruits amers quand elle se pensera sortie de crise.

La loi de Murphy est ainsi faite que voici poindre une autre menace, celle de la pénurie alimentaire, rejetée par les dirigeants français d’un revers de main il y a encore quelques jours. Au sein du gouvernement, cette posture du déni est une constante depuis le début de la crise.

Alors que l’OMS alertait très tôt des risques de pandémie de Covid-19, qui a finalement provoqué le confinement de près de la moitié des habitants de la planète, nos dirigeants ne prenaient pas toute la mesure du danger qui pesait déjà sur le pays. « Le risque d’introduction en France (du coronavirus) est faible », déclarait la ministre de la Santé Agnès Buzyn, le 21 janvier 2020.

Cinq jours plus tard, elle minimisait le danger de ce coronavirus que le gouvernement considérait finalement « moins grave » que ce qu’il pensait initialement. Notre quotidien nous apprend qu’il a fait preuve d’une once de légèreté sur ce point. La veille du confinement, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, déclarait qu’« il n’y a pas et il n’y aura pas de pénurie alimentaire en France face à la propagation du coronavirus ».

Quinze jours plus tard, il est donc démenti. La question, désormais, est de savoir si le gouvernement prend à sa juste mesure le risque de pénurie alimentaire annoncé conjointement par trois organisations internationales pas franchement réputées pour leur catastrophisme.

Des tonnes de pommes de terre invendues pourrissent dans les hangars agricoles, les arrêts de travail pleuvent dans le secteur agro-alimentaire

Dans leur déclaration conjointe, les trois organisations internationales qui traitent de la santé, de l’alimentation et du commerce mondiaux, relèvent que les perturbations dues au Covid-19 affectent déjà les chaînes d’approvisionnement, ce qui pourrait mécaniquement entraîner une pénurie alimentaire précédée par un gâchis massif de produits périssables. En France, nous y sommes déjà.

Des tonnes de pommes de terre invendues pourrissent dans les hangars agricoles, les arrêts de travail pleuvent dans le domaine de la grande distribution par crainte de contracter le coronavirus. Le ministre du Budget de la 6e puissance économique mondiale lance une cagnotte (sic) pour venir en aide aux plus démunis.

Dans certaines régions, l’absentéisme du secteur agro-alimentaire atteint 30 % et plus de 200 000 personnes vont manquer dans les champs pour les trois prochains mois. Pour « sécuriser nos assiettes », une campagne a même été lancée, soutenue par les préfets, afin de trouver la main d’œuvre nécessaire pour des travaux agricoles et viticoles.

Les récoltes des produits frais, qui commenceront dans les prochaines semaines, pourraient être très affectées : des milliers de tonnes d’aliments seront gaspillées faute de débouchés suffisants pour les écouler. En bout de chaîne, la raréfaction des semences pour les années suivantes, l’endettement des producteurs, les faillites.

L’Etat-Nation tient une occasion historique de retrouver sa légitimité

Face à ces signes précurseurs de la pénurie alimentaire qui s’annonce, aucune mesure sérieuse ne semble être prise. Quid de la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement, de la constitution de stock nationaux et régionaux stratégiques et de leur protection, de la chasse au gaspi, de l’écoulement des matières premières alimentaires ?

Gouverner, c’est prévoir. Si le risque de pénurie semble loin pour qui se promène dans les rayons toujours bien garnis de nos supermarchés, la simple rumeur pourrait l’accélérer.

Les Français attendent un Etat protecteur en cette période de crise qui démontre l’incapacité de l’UE à mettre en place la chimérique « solidarité européenne ». L’UE s’est excusée de son inaction auprès de l’Italie, mais le mal est fait. Elle a failli, encore.

Dans cette nouvelle crise qui s’annonce, l’Etat-Nation tient une occasion historique de retrouver sa légitimité.

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