Un nouveau scandale diplomatique vient d’être provoqué par les Etats-Unis à l’égard de la Russie, ouvrant la guerre des visas pour marquer leur territoire – à l’ONU.
Ainsi, l’ambassade des Etats-Unis à Moscou n’a pas délivré leurs visas à 10 membres de la délégation officielle russe se rendant avec le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov aux travaux de l’assemblée générale de l’ONU. Les provocations vont de plus en plus loin. Parlons-en puisque les médias sont pour le moins discrets.
Alors que le siège de l’ONU se trouve à New-York, les Etats-Unis se sont engagés par convention en 1947 (voir ici p. 37) à ne pas porter atteinte aux travaux de cette organisation internationale et à permettre l’accès libre aux délégations des pays membres, aux experts ou encore aux journalistes.
Les paroles n’engagent que ceux qui les croient et régulièrement les Etats-Unis restreignent, voire bloquent, l’accès à l’ONU en interdisant l’accès au territoire américain aux personnes qu’ils n’ont pas envie de voir. Les Iraniens ou les Libanais ont souvent des difficultés, l’on se rappellera de Fidel Castro dont le visa en 1995 limitait ses possibilités de déplacement. Pour la première fois, des membres d’une délégation officielle russe ont été touchés.
L’année dernière, un expert russe devant participer aux travaux sur les fameuses attaques chimiques en Syrie n’a pas eu de visa, mais il était expert et non pas membre officielle d’une délégation nationale.
Un pas vient d’être franchi. Deux parlementaires, les chefs des comités de la Douma et du Conseil de la Fédération pour les relations internationales Léonid Sloutsky et Konstantin Kossatchev, ainsi que huit membres du ministère des Affaires étrangères, notamment le traducteur en chef et Serguei Boutine, responsable du secrétariat général du ministère n’ont pas obtenu de visa pour pouvoir prendre part aux travaux de l’assemblée générale de l’ONU.
Formellement, les Etats-Unis n’ont pas refusé les visas, ils n’ont pour cela aucun fondement, ils ne les ont simplement pas délivré, au moment du départ les passeports étant encore dans les locaux de l’ambassade américaine à Moscou. Officiellement, les Etats-Unis parlent d’un problème technique, de délais trop courts et refusent de commenter des « cas particuliers ».
A juste titre, la Russie ne voit pas la chose sous ce jour, particulièrement accommodant. Pour le Kremlin, c’est une violation directe par Washington de ses obligations internationales. Selon Maria Zakharova, les demandes de visa ont été déposées une première fois deux mois avant l’évènement, mais l’ambassade leur a retourné les dossiers expliquant que c’était trop tôt.
Ensuite, les dossiers ont été à nouveau déposé dans les délais indiqués. L’argument du manque de temps suite à l’erreur commise par le ministère russe des Affaires étrangères tourne court.
Certains avancent un autre argument : Sloutsky et Kossatchev sont sous sanctions américaines, les inclure dans la délégation est une provocation de la Russie.
Trois contre-arguments sont faciles à avancer : 1) inclure des parlementaires, responsables des relations internationales, dans une liste de sanction est en soi une provocation en plus d’être un non-sens politique, sans oublier qu’ils ne viennent pas pour une visite aux Etats-Unis mais à l’ONU, détenant un statut spécial où les lois américaines ne sont pas applicables; 2) et Sloutsky et Kossatchev, étant déjà sous sanction, ont déjà eu accès sans problème au territoire américain; 3) cet argument n’explique en rien pourquoi les huit diplomates de carrière n’ont pas eu de visa.
L’ambassadeur américain a été convoqué pour explication, une note de protestation a été envoyée. Aucune réaction, ni à l’ONU, ni dans la fameuse « communauté internationale ».
La Russie envisage une réponse. Mais une réponse, « symétrique » et technique, va être difficile à trouver. Si réponse il doit y avoir, elle est doit avoir lieu, elle ne doit pas être faussement « symétrique », elle doit être systémique et stratégique.
Espérons que cela servira d’électrochoc pour sortir le pays d’une position par trop conciliante sur beaucoup de points, alors que la situation générale continue à se dégrader, alors que la dégradation s’accélère. Le gant de velours étant par trop usé, il serait bon de sortir la main de fer.
Publié par Karine Bechet-Golovko