C’est la zone euro qui fait les frais de l’excédent commercial allemand, et non les Etats-Unis

L’Allemagne est l’une des bêtes noires du président américain Donald Trump. Il accuse le pays de creuser le déficit commercial américain. En effet, les seules importations de marchandises allemandes sont à l’origine de la moitié du déficit américain, tandis que l’Allemagne présente un excédent commercial record.

Mais selon l’économiste français Patrick Artus, ce sont surtout les autres pays membres de la zone euro qui pâtissent de l’excédent commercial allemand.

Cette année, et pour la troisième année consécutive, l’Allemagne a enregistré un excédent commercial (une différence positive entre ses exportations et ses importations) record de 299 milliards de dollars (264 milliards d’euros).

Cela représente 7,8 % du PIB et provient, pour l’essentiel, des exportations de biens. Mais comme les excédents commerciaux des uns ont pour contrepartie les déficits des autres, cela signifie que d’autres pays sont en déficit commercial, car le plus souvent, pour financer leurs importations à l’Allemagne, les pays étrangers recourent au crédit. Or, parfois, leur prêteur n’est autre que l’Allemagne elle-même.

Ironiquement, en effet, l’Allemagne prête l’argent qu’elle gagne grâce à son excédent commercial aux pays auxquels elle exporte ses produits, pour qu’ils puissent acheter encore plus de biens allemands.

Les Etats-Unis enregistrent un déficit commercial avec l’Allemagne

Les Etats-Unis sont l’un des pays qui commercent le plus avec l’Allemagne, et ils sont déficitaires avec ce partenaire commercial. C’est la raison pour laquelle le président américain Donald Trump a vivement critiqué l’Allemagne, et a imposé des droits de douane sur les importations en provenance de l’Union européenne, et plus particulièrement l’Allemagne. Selon le magazine allemand Wirtschaftswoche, Trump a également menacé de “chasser les constructeurs automobiles allemands jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de Mercedes Benz sur la 5e Avenue de New-York”.

L’Allemagne prête de l’argent au monde entier… 

Mais les résultats d’une étude de l’économiste français Patrick Artus, qui collabore chez Natixis Global Research, montrent que ce ne sont pas les Etats-Unis qui sont les plus à plaindre dans leur relation commerciale avec l’Allemagne, mais plutôt les partenaires du pays dans la zone euro, qui font effectivement les frais de l’excédent commercial allemand.

Il démontre que depuis la crise qui a secoué la zone après 2010, l’Allemagne ne prête plus ses excédents financiers aux pays membres de la zone euro comme elle le faisait auparavant, mais à des pays tiers, dont les États-Unis.

…Mais pas à ses collègues de la zone euro

Artus postule que lorsque l’Allemagne enregistre un excédent commercial avec l’un de ses partenaires commerciaux, elle permet à ce pays de pouvoir continuer à consommer en finançant des prêts pour l’aider à combler le déficit commercial qu’elle a contribué à créer. C’est notamment le cas des États-Unis.

Mais cette situation ne se vérifie pas avec les autres pays de la zone euro, comme le montre le graphique ci-dessous. Il révèle que jusqu’en 2010 (période de la crise de l’euro), la position de la balance courante allemande (ligne violette du graphique ci-dessous) était la contrepartie presque parfaite de la balance courante des autres pays de la zone euro (ligne grise).

En d’autres termes, un excédent de la balance courante allemande allait de pair avec un déficit de la balance courante des autres pays. 

Mais depuis 2010, cette relation est rompue, et les deux courbes n’évoluent plus en miroir. L’Allemagne prête donc ses excédents à des pays autres que ceux de la zone euro.

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