Réunion à Paris: l’huile de palme peut-elle être durable?

Peut-on réellement produire une huile de palme durable ? C’est la question à laquelle tenteront de répondre industriels et ONG ce mardi 25 juin à Paris.

Alors que le gouvernement vient d’autoriser le pétrolier français Total à en importer pour sa bioaffinerie de La Mède, le premier négociant mondial d’huile de palme est pris en flagrant délit de déforestation.

L’huile de palme est partout: agroalimentaire, énergie, pharmacie, cosmétiques. Mais son utilisation a un coût désastreux: déforestation, animaux menacés, exploitation d’enfants, travail forcé, etc. Afin de trouver des « standards de production » et de la rendre « durable », producteurs, consommateurs, négociants, industriels de l’agroalimentaire et ONG se réunissent ce mardi à Paris, sous la houlette de l’organisme de certification RSPO (Round Table for Sustainable Palm Oil), lui même sous le feu des critiques.

Dernière enquête en date, celle de Greenpeace, dont les résultats sont dévoilées aujourd’hui: Wilmar International Limited, première entreprise indonésienne et premier négociant mondiale d’huile de palme, s’était engagé il y a 5 ans en faveur d’une politique « zéro déforestation », applicable à elle-même ainsi qu’a ses fournisseurs. Mais l’ONG révèle que l’entreprise Gama, créée par l’un des fondateurs de Wilmar, a déjà rasé l’équivalent de deux fois la ville de Paris pour planter des palmiers… (https://www.greenpeace.org/international/publication/17241/rogue-trader-indonesia-deforestation-wilmar-gama/) Entretien avec Clément Sénéchal, chargé de campagne Forêts pour Greenpeace France.

– Que peut-on attendre de la réunion qui a lieu actuellement à Paris pour une huile de palme durable, sachant que l’un des membres de l’organisme de certification RSPO semble ne pas respecter ses propres engagement en la matière?

Ces révélations démontrent une nouvelle fois les limites de la certification RSPO. Wilmar siège au conseil d’administration de la RSPO et Greenpeace a prouvé les liens de Wilmar avec Gama, une entreprise d’huile de palme responsable de la destruction de forêts sur une surface équivalente à deux fois la taille de Paris.

Greenpeace demande à la RSPO d’appliquer ses propres règles, de demander à Wilmar et à Gama de s’enregistrer en tant qu’un seul et même groupe et de suspendre l’adhésion de Wilmar tant que les forêts tropicales détruites par Gama n’auront pas été restaurées. La RSPO doit adopter des standards zéro déforestation rigoureux et s’assurer de leur mise en œuvre effective.

– Le gouvernement doit présenter d’ici la fin juillet 2018 sa Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), mais en autorisant Total a exploiter la bioraffinerie à la Mède, n’envoie-t-il pas un message contraire?

Le gouvernement mène une action illisible sur l’huile de palme et les agrocarburants, destructeurs pour les forêts. D’un côté, il autorise Total à ouvrir une raffinerie géante à la Mède pour produire du diesel: jusqu’à 650 000 tonnes d’huile de palme pourront être importées, soit plus de la moitié de la consommation française actuelle. De l’autre, il dit qu’il veut fermer la porte de l’huile de palme dans les agrocarburants et a fini par pousser en ce sens au niveau européen. La nouvelle directive européenne sur les énergies renouvelables permet aux Etats membres qui le souhaitent de sortir des agrocarburants de première génération: nous attendons donc que Nicolas Hulot mettre en œuvre cette politique au travers de sa Stratégie Nationale sur le Déforestation Importée, ce qui n’est pas clairement le cas pour le moment.

– Au vu de la production et de la consommation que cela représente, l’huile de palme peut-elle réellement devenir un produit durable au plan environnemental et social?

Il est possible de produire de l’huile de palme sans contribuer à la déforestation mais ce rapport vient une nouvelle fois démontrer que malgré ses engagements « zéro déforestation » la filière huile de palme est incapable de garantir qu’il n’y a pas de déforestation dans sa chaîne d’approvisionnement. Si la trajectoire actuelle se poursuit, l’industrie de l’huile de palme (et par conséquent ses clients directs) n’ont aucune chance de remplir leurs engagements zéro déforestation d’ici 2020.

source

Partager cet article