La Saint-Nicolas est une fête empreinte de traditions, qui diffèrent selon les régions, et qui est célébrée dans de nombreux pays d’Europe, durant la nuit du 5 au 6 décembre. La légende raconte que c’est en Lorraine que le Saint-Nicolas réalisa sa première « bonne action ». Trois enfants, partis cueillir quelques fruits, se perdirent sur le chemin du retour. Voyant au loin de la lumière dans une maison, ils décidèrent d’aller demander l’hospitalité pour la nuit. Pierre Lenoir, un boucher, leur ouvrit et accepta leur demande. Finalement, il les tua pour les transformer en petit salé, un plat typique de la région. Une légende faisant un peu écho à celle d’Hansel et Gretel…
Saint-Nicolas, passant dans les environs, toqua lui aussi à la porte du boucher. Ce dernier n’osa pas refuser l’entrée à un évêque et l’invita donc à dîner. Le saint homme demanda alors un petit salé, mettant le boucher dans l’embarras et avoua finalement son crime. Saint-Nicolas décida alors de ressusciter les trois enfants, et devint ainsi le Saint protecteur des enfants. Mais pour punir le méchant boucher, l’évêque l’enchaîna à son âne, et devint alors le Père Fouettard, chargé de réprimander les garnements. […]
En Belgique bien sûr, où le Saint (Sinterklaas en Région flamande et aux Pays-Bas) se charge de venir offrir quelques douceurs telles que des spéculoos ou des mandarines, aux gentils enfants pendant la nuit, si ceux-ci ont pris la peine de préparer sa venue en déposant un verre de vin et une carotte pour son âne. […]
Aux Pays-Bas aussi, Saint-Nicolas est bien fêté. 2 semaines avant le 6 décembre, il arrive en bateau à vapeur depuis l’Espagne. Chaque année, les autorités nationales choisissent une ville différente pour accueillir le bateau, qui fera ensuite sa tournée à travers le pays. Mais la soirée du 5 décembre a lieu le Pakjesavond, la soirée des paquets surprises. Ces paquets sont distribués par les cheminées ou les paliers des maisons et sont souvent accompagnés de poèmes retraçant les éléments de l’année. […]
En France, et particulièrement en Lorraine, la fête est d’autant plus célébrée puisque le Saint est le saint-patron de la région depuis 1477. Jusque dans les années 60, la Saint-Nicolas était bien plus importante que Noël. Dans toutes les grandes villes de la région comme Metz, Nancy ou Verdun, le cortège de Saint-Nicolas est une véritable tradition. Il passe ainsi de porte-en-porte pour distribuer quelques friandises aux enfants. A Saint-Nicolas-de-Port, la fête prend une toute autre dimension. C’est dans cette ville qu’une relique, l’os du doigt de Saint-Nicolas, est conservée dans la basilique. A lieu alors une grande procession de cierges à travers les rues de la ville. Lors de cette marche, le Saint, le boucher et les trois enfants de la légende sont présents.
En Allemagne, c’est Nikolaus qui descend du ciel avec sa luge et ses cadeaux à distribuer aux gentils enfants allemands. Les enfants sont invités à déposer une chaussure au pas de la porte de leur chambre avant d’aller se coucher. Si le soulier est rempli de cadeaux et de friandises le lendemain, cela veut dire qu’ils ont été sages ! Cette tradition marque le début des fêtes de fin d’années en Allemagne.
En Autriche, selon les régions, le nom du Saint change. Dans l’est du pays, il est appelé Nikolo ou Niglo, tandis que dans le Tyrol, il est nommé SantaKlos ou Klos. Mais peu importe la région, partout en Autriche, le soir du 5 décembre, le Saint défile traditionnellement dans les rues et questionne les enfants sur leur catéchisme. S’ils répondent correctement, les enfants reçoivent des noix et des pommes. Ici, le Saint n’est pas accompagné du Père Fouettard (dont les verges trouveraient leur origine dans les rameaux de fécondité) mais des Krampus, des créatures venues des Enfers, chargées de punir les enfants dont les réponses sont erronées. Il irait même jusqu’à les emmener en Enfer avec lui, en les mettant sans sa hotte appelée Buckelkraxen. Dans une autre région encore, en Haute Styrie, Saint-Nicolas est accompagné des Schnabs, qui claquent leurs fouets pour chasser les démons de l’hiver. […]
Saint Nicolas est le protecteur des marins, des voyageurs, des pêcheurs, des constructeurs de ponts, des colons germaniques s’installant de l’Oder au Golfe de Finlande. Devenu au fil des temps le saint patron des voyageurs que guettaient bien des périls, Saint Nicolas a fini également par étendre sa protection aux voleurs et aux brigands. […]
Dans beaucoup d’autre pays d’Europe est célébré Saint-Nicolas, comme en Pologne, en Hongrie, en Suisse (où Saint-Nicolas passe pour être lié à Sainte-Lucie déesse de la végétation) […] On peut lire dans l’Encyclopedia Oosthoeks: “La fête de famille [de la Saint-Nicolas] provient de la fête religieuse (y compris les surprises pour les enfants) qui, elle, a sa source dans des éléments pré-chrétiens. Saint Nicolas, qui chevauche au-dessus des toits, est le dieu païen Wotan [Odin]. (…) Saint Nicolas était aussi le chef de la chasse sauvage au cours de laquelle les âmes des morts rendent visite à la terre.”
En effet, les Teutons croyaient qu’Odin, ou Wotan, le plus important de leurs dieux, conduisait les âmes des morts en une furieuse chevauchée à travers champs pendant les “douze mauvais jours” qui séparent Noël et l’Épiphanie (6 janvier). Le grand vent qu’il soulevait emportait les semences du produit des champs, ce qui stimulait la fertilisation. Quant aux pommes, aux noix, aux noisettes, aux amandes et aux autres fruits d’automne distribués à la “Saint-Nicolas”, ils étaient des symboles de fertilité. Les anciens croyaient pouvoir apaiser la colère de leurs dieux en leur faisant des cadeaux pendant les jours froids et sombres de l’hiver. Ils en obtiendraient une plus grande fertilité pour l’homme, l’animal et le sol.
Odin était accompagné par son valet Eckhard, le prédécesseur de Pierre le Noir, qui, lui aussi, portait une verge. Pas plus tard qu’au Moyen Âge, il était courant d’admettre que certains arbres et plantes pouvaient rendre les humains féconds et qu’une femme pouvait tomber enceinte simplement si elle était frappée avec une branche d’un de ces arbres.
Le livre Feest-en Vierdagen in kerk en volksgebruik (Fêtes et cérémonies dans l’Église et dans les coutumes populaires) cite quelques autres similitudes entre Odin et “saint” Nicolas: “Wotan, lui aussi, remplissait bottes et sabots placés près de la cheminée, mais avec de l’or. Pour le coursier de Wotan, on plaçait également dans le sabot du foin et de la paille. En outre, la dernière gerbe des champs était réservée au cheval.”
Sint Nicolaas, de B. van den Aardweg, signale encore d’autres similitudes frappantes: “Saint Nicolas: personnage grand et puissant monté sur un cheval blanc. Il porte une longue barbe blanche, tient une crosse à la main et il est coiffé d’une mitre (…) et revêtu d’une cape d’évêque, large et flottante.
“Wotan: personnage de haute stature et à la barbe blanche. Il porte un chapeau à larges bords enfoncé sur les yeux. Il tient à la main une lance magique. Il est enveloppé d’une grande cape et monte son fidèle cheval gris, Sleipnir.
“Il y a plus que ces similitudes visibles: Wotan menait son cheval gris à travers les airs, et les gens, tout tremblants, lui offraient des gâteaux fourrés, de la viande et des produits des champs. Saint Nicolas, à cheval, passe au-dessus des toits, et les enfants préparent du foin, des carottes et de l’eau pour sa monture. Les gâteaux secs au gingembre et la baguette étaient des symboles de fertilité longtemps avant l’apparition des fêtes de saint Nicolas.”
Un certain nombre d’autres coutumes ayant trait à “saint” Nicolas trahissent elles aussi leurs origines païennes. Par exemple, dans les régions nordiques, le 4 décembre, les garçons de 12 à 18 ans se répandent dans les rues. Masqués et affublés de costumes grotesques décorés de plumes, de coquillages et d’autres objets régionaux, ils représentent les “petits saints Nicolas”, ou Sunne Klaezjen. Le lendemain soir, c’est au tour des hommes de 18 ans et plus. En début de soirée, ils rôdent dans les rues où, armés de balais, de cornes de bœufs et de gourdins, ils font fuir toute femme, jeune fille ou petit garçon qui croise leur chemin. Ils forcent les jeunes filles à danser ou à sauter par-dessus une baguette.
À quoi servent toutes ces manifestations? Encore à la fertilité — invariable préoccupation des cultures antiques. En effet, l’hiver était une époque sombre et angoissante, souvent considérée comme une période de sommeil ou de mort pour le dieu de la fertilité. On pensait que, par divers moyens, l’on pouvait redonner vie à ce dieu ou à cette déesse, ou tout au moins l’aider quelque peu. Les cadeaux, les danses, le tapage, les coups de baguette étaient, pensait-on, autant de façons de chasser les mauvais esprits et de rendre plus féconds les humains, les animaux et le sol.
C’est pourquoi, lorsqu’aujourd’hui les jeunes filles sautent par-dessus une baguette, elles imitent leurs aïeules qui croyaient que plus haut elles sautaient, plus haut pousserait le lin. En chassant les femmes et les enfants, les jeunes hommes répètent le rite de la chasse aux mauvais esprits.