Police: «Il va y avoir de plus en plus d’ouvertures de feu»

Une course-poursuite entre un policier et un automobiliste qui tentait d’échapper à un contrôle s’est terminée par la mort de ce dernier. Quelques jours plus tard, un policier tire sur un homme «menaçant» dans un parc à Paris. Deux affaires qui illustrent le fait que les policiers ont de plus en plus souvent recours à leur arme. Pourquoi?

La police n’a jamais autant ouvert le feu en France: 394 tirs en 2017, soit 54% de plus par rapport à 2016, selon le dernier rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Que l’ouverture du feu semble légitime ou non, l’IGPN est systématiquement saisie. C’est ce qui se passe actuellement avec Kévin G., dont le tir mortel contre un automobiliste sans permis, qui tentait d’échapper à un contrôle, fait tristement écho à ce rapport.

«Nous sommes dans une situation où nous avons affaire à des terroristes, dans notre imaginaire, on est sur la défensive, on est des cibles», explique Axel Ronde, secrétaire général de la CGT Police Île-de-France.

Alors que l’enquête devra déterminer si Kevin G., mis en examen pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique», a effectué les sommations d’usage et si la marche arrière de la voiture prise en chasse mettait réellement en danger la vie d’une personne, la famille de la victime a dénoncé une réaction disproportionnée, estimant qu’un relevé de plaque d’immatriculation aurait suffi.

Une page Facebook intitulée «Justice pour Romain» a été créée par des proches pour lui rendre hommage et trouver des témoins du drame.

«Il va y avoir de plus en plus d’ouverture de feu, parce que les policiers sont dans une logique terroriste», estime Axel Ronde.

Une «logique» qui établit le nombre de décès dû à des tirs policiers à 14 depuis juillet 2017, toujours selon le rapport de l’IGPN, qui livre pour la première fois ce type de données. Un tiers des tirs ont été dirigés sur des véhicules en fuite.

Si Mme Monéger-Guyomarc’h, patronne de l’IGPN explique cette hausse des tirs par le fait que «les policiers sont exposés à plus de violence de la part des délinquants», Axel Ronde y voit une conséquence du changement de législation de 2017 «il y a eu un assouplissement des règles de l’ouverture du feu». Mais ce n’est pas l’unique raison, selon le syndicaliste:

Avec ces «20 millions d’heures supplémentaires», les policiers sont «fatigués». «Fragilisés psychologiquement, c’est possible […] Après un traumatisme, les policiers repartent sur le terrain. On manque de moyen au niveau du suivi psychologique.»

«La formation continue n’est pas assez suivie comme on voudrait. Nous ne tirons que trois fois par an, 90 cartouches», souligne-t-il, avant d’évoquer également «un problème d’encadrement».

«Il faudrait plus d’anciens sur le terrain», car «les jeunes ont envie d’aller au contact, ils ont la fougue de la jeunesse […] Ceux qui ont 10 ou 15 ans d’expérience, on devrait déjà les nommer brigadier, pour partager leur expérience.»

En effet, le jeune gardien de la paix avait demandé à un conducteur de scooter de prendre le véhicule en chasse, montant à l’arrière et entamant une course-poursuite, contre l’avis de sa hiérarchie. Mais le syndicaliste se veut rassurant:

«On est des professionnels, on n’ouvre pas le feu à tout va.»

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