Augmentation des crimes et délits en France: les forces de l’ordre en surchauffe

Les violences sont en hausse en France, malgré les efforts des forces de l’ordre pour enrayer leur progression. Des policiers et gendarmes, chargés d’assurer notre sécurité, sont de plus en plus confrontés à la dégradation de leurs conditions de travail mais aussi de vie. Retour sur une situation doublement préoccupante.

L’augmentation des violences dans les grandes villes françaises est-il relayé au rang de fatalité? Alors que le Premier ministre Edouard Philippe était ce 13 juillet dans les locaux de la DGSI à Levallois-Perret pour présenter un nouveau plan d’action contre le terrorisme, le tout à la veille d’un week-end du 14 juillet marqué par la menace terroriste et qui mobilisera 110.000 policiers et gendarmes, Le Figaro publiait en début de semaine une carte de la délinquance en France et autant dire que les chiffres ne sont pas bons…

Basé sur les données du ministère de l’Intérieur, le «palmarès de l’efficacité de la police et de la gendarmerie» montre un double phénomène plutôt préoccupant: celui d’une augmentation sensible des crimes et délits enregistrés dans l’Hexagone entre 2012 et 2017, ainsi qu’une baisse «de l’efficacité» des forces de l’ordre (nombre de mises en cause pour 100 infractions constatées), principalement dans les villes.

«Seuls trois départements sur les vingt-trois qui comptent plus d’un million d’habitants en France métropolitaine affichent un taux de mise en cause en hausse» relèvent les journalistes du Figaro.

Paris et les Hauts-de-Seine sont les deux départements où la dégradation de la situation est la plus forte, avec à la fois une hausse respective de 20,4% et 11,6% des crimes et délits et une baisse de 23,7% et 20% des mises en causes sur cinq ans.

Des mauvais résultats qui contrastent avec ceux, plutôt inattendus, des Bouches-du-Rhône (Marseille) où les violences ont chuté de 10,8% et de la Seine-Saint-Denis où leur augmentation fut contenue (3,1%) s’accompagnant d’une légère hausse (0,9%) des mises en causes.

Des départements, plus ruraux, ne sont pas épargnés par cette progression des crimes et délits: plus 60% dans la Creuse, près de 30% d’augmentation dans le Cantal ou encore 21,4% dans le Puy de Dôme. Une hausse des violences que constate sur le terrain Frédéric Le Louette, président de l’association professionnelle nationale militaire Gend XXI, et dont les gendarmes et policiers sont également la cible. Une «vraie problématique» dans le cas des territoires d’Outre-mer, souligne-t-il.

«Il y a ces deux aspects qui nous préoccupent: l’augmentation de la délinquance et aussi l’augmentation des violences envers les forces de l’ordre.»

Selon Frédéric Le Louette, la principale cause de cette hausse de la délinquance réside dans le manque de moyens alloués, tant sur le plan matériel qu’humain. Une situation d’autant plus intenable que, dans le contexte de menace terroriste, les missions des policiers et gendarmes tendent à se multiplier.

Un grief du président de Gend XXI qui fait écho aux pistes avancées par nos confrères du Figaro afin d’expliquer, notamment dans le cas de la capitale, la baisse de la résolution des affaires: aux opérations de réassurance des populations s’ajoute l’encadrement des nombreuses manifestations et visites officielles.

«On s’aperçoit qu’évidement, dès qu’on manque d’effectifs dans une zone, les crimes et les délits repartent de plus belle, qu’il ne faut jamais lâcher la vigilance et que le maillage territorial est important,» insiste Frédéric Le Louette.

C’est sans compter sur l’augmentation, récemment épinglée par le rapport d’une commission sénatoriale, des lourdeurs administratives ces dernières années.

«La complexité de la procédure oblige policiers et gendarmes à passer plus de temps sur des affaires simples,» confie au Figaro Christophe Soullez, directeur de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).

Un phénomène qui ne fait qu’envenimer encore plus la situation, les tribunaux étant déjà réputés pour être engorgés, non sans donner un sentiment d’impunité aux délinquants, comme l’explique Frédéric Le Louette.

«On est toujours dans cette lenteur de la Justice qui pénalise les forces de l’ordre. Évidemment la Justice ne fait pas exprès d’être lente, elle manque de moyens également. Mais, depuis 2013, on nous promet une simplification de la procédure pénale, on nous promet une justice plus rapide, plus efficace et clairement on ne voit rien venir malgré les nombreuses discutions, malgré les nombreuses réunions qui ont pu avoir lieu. Pour l’instant, on a vraiment ce sentiment que tout est bloqué.»

Pour autant, les forces de sécurité intérieure sont toujours sur le pont. «La police et la gendarmerie ont manifestement tenté de relever le défi des violences,» constate Le Figaro qui s’est penché sur différentes familles d’infractions.

Ainsi, si d’un côté les mises en causes pour les «petits délits» (stupéfiants, troubles à l’ordre public) reculent à l’échelle nationale de près de 20%, de même pour les mises en cause pour vols et escroqueries (respectivement de 7,5% et 3,5%), celles pour atteintes aux personnes ont augmenté à l’échelle nationale de 15% sur la même période.

Des progrès à souligner d’autant plus que les forces de sécurité intérieure, toutes institutions confondues, traversent une crise. Un «malaise extrêmement profond», pour reprendre les mots du sénateur François Grosdidier (LR), qui, avec son homologue Michel Boutant (PS), sont venus à travers une commission d’enquête mettre un peu plus en lumière l’état inquiétant du moral des forces de l’ordre dans le pays.

«Beaucoup ont un rythme de vie quasiment incompatible avec une vie personnelle et familiale» déclarait aux journalistes le sénateur LR, évoquant les «moyens totalement insuffisants» à disposition des policiers et gendarmes pour mener à bien leur mission, qui plus est face aux risques tant physiques, accrus, que juridiques auxquels ils s’exposent.

«Les policiers sont très motivés mais aussi très désabusés. Ils ont attendu des promesses d’effectifs, de renforts, de meilleures conditions de travail — ils savent que ça met du temps — mais on n’en voit pas l’issue, le bout du tunnel.»

Commentait à notre micro d’Axel Ronde, Secrétaire général de VIGI-CGT Police Ile-de-France, alors même que Nantes était secouée par un épisode d’émeutes urbaines.

Parmi les chiffres chocs de ce rapport, rendu public le 3 juillet, les près de 22 millions d’heures supplémentaires — non compensées — accumulées par les services de police.

La police, endeuillée par le suicide de 50 agents rien que sur l’année 2017, 479 sur dix ans, soit un taux de suicide 36% plus élevé que la moyenne nationale. La Gendarmerie n’est pas épargnée, avec plus d’une quarantaine de suicides dans ses rangs l’année passée.

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