Ce 9 janvier 2023, Poutine a déposé un projet de loi de dénonciation de la Convention pénale sur la corruption, en vigueur au sein du Conseil de l’Europe. N’ayons aucun doute, rapidement des voix vont s’élever pour affirmer que la Russie cesse de lutter contre la corruption. Comme s’il ne pouvait y avoir de salut en dehors des instances européennes, pourtant bien corrompues, comme l’expérience le montre chaque jour un peu plus. Et personne ne rappellera que c’est le Conseil de l’Europe lui-même, qui a exclu la Russie de GRECO en mettant en place un mécanisme discriminatoire, afin de ne pas perdre à l’égard de la Russie le levier de contrôle global de la «lutte contre la corruption». Alors revenons un peu sur les faits juridiques et l’instrumentalisation globaliste de la «lutte contre la corruption».
La lutte contre la corruption est un instrument de gouvernance globale très efficace. Qui peut officiellement être pour la corruption ? Personne. Grâce à cela, un fondement idéal a été trouvé pour mettre en place tout un réseau de surveillance globalisée sur les affaires politiques intérieures : marchés publics, financement des partis politiques, ressources des politiciens nationaux, etc. Sans même parler de la masse d’informations sensibles disponibles, il s’agit aussi d’un moyen de pression sur ces mêmes éléments du système politique national.
Dans la logique de reprise en main de sa souveraineté par la Russie, comme annoncée par le Président Poutine lors de son allocution de fin d’année, il a déposé à la Douma un projet de loi pour sortir de la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe, Convention signée par la Russie le 27 janvier 1999 et ratifiée le 25 juillet 2006.
L’argumentation avancée est simple : la Russie se trouve depuis mars dernier dans une situation de discrimination juridique illégale, n’ayant que des obligations et plus aucun droit dans le GRECO.
Et en effet, tel est le cas, si l’on se réfère à la résolution du 23 mars 2022, adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe «sur les conséquences juridiques et financières de la cessation de la qualité de membre du Conseil de l’Europe de la Fédération de Russie». Le 16 mars 2022, parallèlement aux déclarations de la Russie de sortie du Conseil de l’Europe, le Conseil de l’Europe lui-même a décidé de l’exclusion de la Russie.
En effet, comment peut-on vouloir sortir de cette institution ? Quelle idée, l’on ne peut qu’en être exclu … L’honneur étant sauf, enfin ce qu’il en reste, le 23 mars les conséquences en ont été tirées, à savoir l’exclusion de la Russie de toutes les instances et groupuscules virevoltants autour de cette institution. Toutefois, reste un hic : la lutte contre la corruption est un instrument de gouvernance bien trop utile pour s’en priver. Qu’à cela ne tienne, le Comité des ministres a adopté un mécanisme parfaitement déséquilibré et politique au point 6 de cette résolution :
«La Fédération de Russie cesse d’être membre de l’accord élargi sur le Groupe d’États contre la Corruption (GRECO), sauf lorsque le GRECO exercera ses fonctions au titre de la Convention pénale sur la corruption (STE n° 173) à l’égard de la Fédération de Russie. La Fédération de Russie peut continuer à participer aux réunions plénières du GRECO uniquement lorsque ce dernier examine les rapports d’évaluation et de conformité sur la Fédération de Russie, comme prévu à l’article 8 (1) i. du Statut du GRECO, en vue de fournir et de recevoir des informations concernant ces rapports, sans droit de participer à la discussion ou à l’adoption des rapports en vertu de l’article 15 du Statut du GRECO, et sans droit de vote ;»
Bref, la Russie reste surveillée, contrôlée, mais n’a rien à dire. Le Président russe a initié la dénonciation de la Convention, afin qu’il n’y ait strictement aucun fondement juridique possible à une pratique aussi discriminatoire. Pour ceux qui s’inquiètent de la fin de «lutte contre la corruption» en Russie, qu’ils soient rassurés, il reste une quantité incroyable de mécanismes de surveillance globale, auxquels la Russie est partie, comme le rappelle le sénateur Kossachev.
Pour ceux que, justement, cela ne rassure pas, je voudrais donner un exemple de la politisation et de l’instrumentalisation de la lutte contre la corruption. Prenons l’exemple de Transparency International, symbole en la matière. Un accord a été passé avec l’Ukraine et depuis avril de l’année dernière, ils mettent en place une base de données (disponible ici), dans laquelle ils recensent les étrangers travaillant en Russie, dans le business, lorsque ces entreprises sont sous sanctions et appellent les Etats à prendre des mesures de rétorsion contre leurs propres ressortissants.
Dans la logique de l’Europe démocratique des années 30, ils appellent aussi à la dénonciation. Quel est le rapport avec la corruption ? Il est vrai qu’en Ukraine, il n’y a aucun problème de corruption plus urgent, dont pourrait s’occuper Transparency International …