Dans un extrait de son dernier livre publié par le National Post, Stephen Harper explique la montée du « populisme » aux États-Unis et en Europe. L’ex-premier ministre du Canada estime que les élites politiques et médiatiques vont payer cher le fait qu’elles ne comprennent pas ce mouvement et s’obstinent à le dénigrer.
Le National Post publie cet extrait du dernier livre de Stephen Harper, intitulé: Right Here, Right Now: Politics and Leadership in the Age of Disruption* (Ici et maintenant, la politique et le leadership dans une ère de bouleversements), l’ancien premier ministre du Canada, Stephen Harper, y défend l’idée que les «déplorables» ont quelque chose d’important à nous dire.
La montée du populisme – sur ce continent et au-delà – a été dénoncée par tous les partis de droite comme de gauche.
Mais comme l’écrit Stephen J. Harper dans cet extrait de son dernier livre publié en exclusivité par le National Post, les soi-disants “deplorables” qui ont voté de manière à vaincre les politiciens de l’establishment, méritent d’être écoutés avec attention. Leur inquiétude prouve que le globalisme cause de graves problèmes qui ne vont pas disparaître par enchantement.
« Si la politique vous intéresse, vous vous souviendrez longtemps du 8 novembre 2016. Pour ma part, je suivais la soirée du vote présidentiel dans le salon de mon sous-sol. Mon successeur intérimaire à la tête du Parti Conservateur du Canada, Rona Ambrose était présente. Le chef du Parti Conservateur Uni de l’Alberta, l’Honorable Jason Kenney était là également. Je ne m’attendais pas à ce que Donald J. Trump soit élu président, ce soir là. Mais contrairement à la plupart des observateurs, je pensais que c’était une possibilité. En arriver à ce constat m’avait pris un certain temps. Trump avait remporté la nomination du Parti Républicain et là, il était en train de remporter l’élection présidentielle. Alors, je me suis demandé : « Que s’est-il passé ? » J’aurais pu en déduire ce qu’en ont déduit la plupart des commentateurs.
Ces derniers avaient prédit que Trump ne pouvait pas gagner – qu’il ne pourrait jamais gagner – parce qu’il est un imbécile et un fanatique. Ils ont donc conclu que ses électeurs étaient, eux aussi, des imbéciles et des fanatiques. Mais c’était ceux qui entretenaient des idées préconçues aussi sottes qui se trompaient. Il est temps de soumettre ces suppositions à un ré-examen.
Voici donc mon ré-examen en résumé.
Une importante proportion d’Américains, incluant des Américains conservateurs, ont voté pour Trump parce que leurs affaires vont mal. Le monde de la globalisation ne fonctionne pas pour plusieurs de nos gens. Nous pouvons faire semblant de croire que leur perception est fausse, mais elle ne l’est pas. Nous avons maintenant le choix. Nous pouvons tenter de convaincre les gens qu’ils se méprennent sur ce qui affecte leur propre vie ou nous pouvons essayer de comprendre ce qu’ils expriment. Ensuite, nous serons en mesure de déterminer ce qu’il faut faire.
Les Conservateurs ont gagné la Guerre Froide. Ronald Reagan, Margaret Thatcher et leur génération ont résisté au communisme ailleurs dans le monde et au socialisme chez eux. Et ils ont très bien réussi. Nos valeurs – des sociétés libres, des libres marchés, le libre échange, la liberté de mouvement – se sont répandues à travers le monde. Le problème vient du fait que la globalisation a très bien réussi pour plusieurs peuples du monde, mais pas tellement pour plusieurs d’entre nous. À travers le monde, un milliard de gens – pour la plupart vivant dans des pays à économies émergentes de l’Asie – sont sortis de la pauvreté. Pourtant, dans plusieurs pays occidentaux, les revenus des travailleurs ont stagné ou diminué durant le quart de siècle qui vient de se terminer.
Ceci est particulièrement vrai aux États-Unis. Trump a compris cela.
Certains ont dénigré l’appel de Trump disant qu’il fallait rendre sa grandeur à l’Amérique comme étant simplement une expression de son chauvinisme, mais minimiser le caractère viscéral de son message anti-globaliste, c’est passé à côté de son sens profond.
Cet appel a été entendu et compris par ceux dans le Parti Républicain qui appuyaient Ronald Reagan et George W. Bush, et leur internationalisme énergique. Son message a aussi été entendu par un nombre important d’électeurs démocrates qui ont changé de camp, contribuant à l’élire président.
Dans mon esprit, il s’agit sans doute de la partie la plus facile à comprendre du phénomène Trump. L’Amérique a vécu une décennie et demie d’expériences en politique étrangère qui ont contribué à poser les balises de l’approche consistant à mettre l’Amérique en premier.
Pour commencer, il y a eu les guerres en Afghanistan et en Irak. Pour être tout à fait honnête, j’étais d’accord avec ces deux initiatives et j’appuie toujours la décision d’aller en Afghanistan.
Néanmoins, les tentatives d’édifications d’États-Nations ont coûté très cher en argent et en ressources humaines, sans grand succès. Lors de ces opérations, l’idée de faire la promotion des idéaux américains ailleurs dans le monde a reçu un coup fatal.
Cela a été suivi d’une nouvelle Administration décidée à éviter de trop s’étendre en multipliant les interventions. Résultat, la sécurité globale s’est encore plus détériorée. Ainsi, on peut tracer une ligne droite entre les résultats des politiques menées dans un passé récent et les orientations actuelles de l’Administration américaine.
Cela n’est qu’une partie de l’histoire. Ça n’explique pas les réactions viscérales, les négatives autant que les positives, envers le penchant «America First» de l’Administration Trump.
J’admet que ceux qui s’opposent fanatiquement au nationalisme me rendent plus perplexe que ceux qui l’appuient. Le nationalisme, ou du moins le patriotisme, m’apparaît comme un état plutôt normal des sentiments humains dans la plupart des pays, la plupart du temps.
L’idée qu’un pays place en premier ses propres intérêts m’est toujours apparue comme une maxime fondamentale des relations internationales.
Je ne souhaite pas réduire ces visions différentes du nationalisme à des changements de philosophies s’étant produits dans les partis politiques. Comme pour les différences concernant la globalisation des marchés et le commerce international, il se passe quelque chose de plus profond.
Trump, le Brexit et les mouvements populistes en Europe ont mis à jour un fossé existant dans les sociétés modernes occidentales.
La division se trouve, comme le décrit David Goodhart, entre: ceux qui vivent « n’importe où » et ceux qui vivent « quelque part ». La montée de la mondialisation au cours du dernier quart de siècle a transformé une partie de la population. Des professionnels urbains et universitaires se sont réellement orientés vers le reste du monde pour leur carrière et leur vie personnelle.
Supposez que vous êtes quelqu’un travaillant pour une firme de consultants internationale ou que vous êtes engagé dans une carrière universitaire à vocation mondiale. Vous pouvez vous réveiller à New York, Londres ou Singapour et vous sentir chez vous. Vous pouvez louer ou même posséder un logement dans chacune de ces villes. Votre travail n’est pas soumis à la concurrence des importations ou à la menace de changements technologiques. Vous pouvez assister (ou aspirer à assister) à la conférence de Davos. Vous avez probablement lu The Economist et, comme Thomas Friedman, vous croyez que le monde est vraiment plat. Votre conjoint ou partenaire a une expérience professionnelle similaire, bien qu’il ou elle vienne d’ailleurs dans le monde. Vous croyez au changement climatique et vous êtes méfiants à l’égard de la religion. Vous êtes sans équivoque en faveur du libre-échange et soutenez des niveaux élevés d’immigration. Vos valeurs peuvent être qualifiées de « cosmopolites ».
Ces personnes cosmopolites, les Anywheres, ou tout simplement « les globalistes », ont un attachement de plus en plus faible à l’État-nation. Leurs relations professionnelles, personnelles et même familiales sont de plus en plus souvent établies avec des personnes comme eux, originaires de divers pays.
Les exemples que je donne peuvent ressembler à des stéréotypes, mais il y a beaucoup de personnes, vivant une situation moins extrême, qui travaillent, étudient ou rejoignent des communautés au delà des frontières en passant par l’Internet.
Il y a beaucoup de ces gens, mais il y en a encore beaucoup d’autres qui ne leur ressemblent pas du tout.
Peut-être êtes-vous un ouvrier travaillant à la fabrication ou dans le commerce de détail, ou même un petit commerçant. Vous n’habitez probablement pas dans les quartiers centraux d’un grand centre d’affaires. Votre travail peut être perturbé, et l’est toujours, par la concurrence des importations et les changements technologiques. Vous êtes motivé par un travail stable et une vie décente. Vous et votre conjoint avez grandi dans la même collectivité où vous vivez et travaillez maintenant. Vos enfants fréquentent les écoles locales et votre parent vieillissant vit à proximité. Votre vie sociale est liée à une église locale, un club philanthropique, un restaurant-bar, une équipe sportive ou un groupe communautaire. Vous ne quittez votre région que pour de brèves vacances. Vos valeurs peuvent être qualifiées de « localistes ».
De tels localistes ou « Somewheres » sont beaucoup plus susceptibles d’être des nationalistes dans l’âme. La solidarité sociale est importante pour eux parce que leur avenir dépend de la société dans laquelle ils vivent.
Pour les Somewheres, le nationalisme est plus qu’un attachement émotionnel fort (même si habituellement il l’est) ; il est essentiel dans leur vie. Si les choses vont mal, ou si les choix politiques s’avèrent erronés, les Somewheres ne peuvent pas simplement déplacer leur vie ailleurs. Ils dépendent de l’État-nation.
Évidemment, les Anywheres dépendent tout autant de l’État-nation, qu’ils le reconnaissent ou non.
Après tout, ce sont les grands États-nations qui ont rendu possible la mondialisation. Dans la mesure où il existe des marchés mondiaux dotés de règles et de stabilité, ce sont les accords entre États-nations qui les ont créés.
Sans ces accords, le commerce international ne serait guère plus qu’échanges occasionnels et transactions ponctuelles. Pensez-y bien. Pour faire plus que des transactions occasionnelles, il faut investir dans les transports, les communications et la logistique. Le commerce international dépend de l’exécution des contrats, de la fourniture d’informations et de la prévention de la fraude. Il a besoin de devises stables, fiables et échangeables. Des arrangements doivent être faits afin que la distribution des produits soit en conformité avec les normes politiques établies.
Il est de bon ton chez les Anywheres de blâmer les mauvaises politiques nationales – et en particulier le populisme – pour l’instabilité et les incertitudes de l’économie mondiale. Parfois, elles sont effectivement à blâmer, mais pas si souvent. La « communauté mondiale » n’apporte que peu ou pas grand-chose dans la vaste gamme d’institutions et de pratiques dont les marchés ont besoin pour fonctionner adéquatement.
Jusqu’à présent, les fonctions essentielles des lois et règlements, de la stabilité monétaire et fiscale, de la gestion et de la résolution des conflits, des services sociaux et de la redistribution ont été assurées presque exclusivement par les États-nations. Laissée à elle-même, la mondialisation serait un modèle économique instable – comme elle l’était à la fin de 2008, jusqu’à ce que les grands États-nations interviennent.
Soit dit en passant, il ne va pas de soi de savoir à quoi ressembleraient ces institutions et ces pratiques si elles étaient appliquées à l’échelle mondiale. Les pays ne s’entendent tout simplement pas sur la façon d’assurer l’égalité des chances, la sécurité économique et l’innovation, de minimiser les risques pour la santé et l’environnement, d’assurer les emplois et la croissance, ni sur les résultats économiques ou les mœurs sociales et culturelles, encore moins sur la façon de choisir des modèles de gouvernance fondamentaux.
En d’autres termes, l’État-nation, avec tous ses défauts, est une réalité concrète. La « communauté mondiale » n’est guère plus qu’un concept. Les gens qui ont quelque chose à perdre sont forcément plus redevables à un fait important qu’à une simple notion.
C’est ici que je me sépare des Anywheres.
Les Anywheres semblent croire qu’ils peuvent choisir ce qu’ils veulent dans n’importe quel panier national. Les résultats économiques chinois, les protections juridiques américaines, la gouvernance européenne, les taxes panaméennes, etc. Et s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, ils affirment leur droit d’aller le chercher et de partir – en utilisant un passeport fourni par leur État-nation.
Je ne discute pas avec les Anywheres sur les avantages réels et encore plus importants de la mondialisation. Je ne suis pas d’accord avec cet état d’esprit mondialiste. Je me fous de savoir à quel point vous vous prenez pour un globaliste. Vous avez une certaine responsabilité en tant que citoyen envers un quelque part. Et si vous ne comprenez pas cela, alors vous vous comportez comme si vous n’aviez aucune responsabilité.
Partout où ils sont, ils sont loin de constituer la majorité de la population, mais à l’ère de la mondialisation, ils en sont venus à dominer notre politique. C’est vrai tant au centre gauche traditionnel qu’au centre droit. Le référendum Brexit donne un aperçu de la façon dont ces lignes de fracture peuvent se manifester.
Les Cosmopolites de Londres ont voté de rester dans l’UE à une majorité de trois contre un. Celle-ci n’a été rejointe que par des nationalistes écossais et irlandais, pour des raisons distinctes (et diamétralement opposées). La majorité des syndicalistes anglais, gallois et irlandais ont voté en faveur du Brexit et ont gagné.
Une dynamique similaire est apparue dans la politique américaine depuis un certain temps. Les Démocrates sont aujourd’hui un parti majoritairement urbain et côtier avec peu de sièges au Congrès et peu de gouverneurs dans les États du centre des États-Unis. Les Républicains sont de plus en plus exclus des grands centres cosmopolites, mais ils sont clairement majoritaires dans la plupart des autres endroits.
Je le dis ainsi : il y a un fossé grandissant entre les perspectives des institutions de toutes sortes – entreprises, banques, bureaucraties, universités, médias, divertissements – et celles de ceux qui ne s’identifient pas à ces institutions. C’est un clivage entre ceux dont les intérêts économiques sont mondiaux et ceux dont les intérêts sont locaux. Entre ceux dont la vie traverse les frontières et ceux qui y vivent.
Entre ceux dont les identités sont internationales et multiculturelles et ceux dont les identités sont nationales et traditionnelles. Plus important encore, c’est de plus en plus un fossé entre ceux qui croient qu’ils vont de l’avant et ceux qui voient qu’ils font du surplace.
Bien entendu, cela ne se limite pas à l’Amérique. La même dynamique – « élites » contre « populistes » – est à l’origine du résultat inattendu du référendum pour le Brexit. Quelque chose de similaire se produit également en Europe, alors que l’espace occupé par les partis politiques traditionnels du centre-droit et du centre-gauche se réduit progressivement face aux mouvements politiques insurgés.
Je ne sais pas si la présidence de Donald Trump va réussir ou non. Mais ce que je sais, c’est que les questions qui ont donné lieu à sa candidature ne vont pas disparaître. Elles ne feront qu’augmenter. Et si elles ne sont pas confrontées honnêtement et traitées correctement, elles vont s’aggraver.
Il en résulte que les succès de Brexit et de Trump laissent entrevoir un possible réalignement politique d’une importance beaucoup plus large et à plus long terme. Si les réalités économiques et sociales sous-jacentes continuent à diverger entre les élites et les travailleurs ordinaires, ces schémas politiques vont se renforcer. Des politiciens ambitieux et entreprenants,(…) puiseront effectivement dans les valeurs populistes.
Le populisme actuel n’est pas dans le tout ou rien. Certains populistes ont des griefs légitimes avec le consensus de l’élite. (…) Ce qui se passe exige de la compréhension et de l’adaptation, et non une attitude dogmatique et de la condescendance.
Les populistes ne sont pas des « déplorables » ignorants et malavisés. Ce sont notre famille, nos amis et nos voisins. Les populistes sont, par définition, le peuple.
Dans un système démocratique, les gens sont nos clients. Et, selon les valeurs de marché conservatrices, le client a toujours raison. Une partie de l’élaboration de ces solutions de rechange consiste à remettre en question certaines idées préconçues sur le populisme. Le populisme n’est pas totalement incompatible avec les marchés, le commerce, la mondialisation et l’immigration. Ma propre carrière politique en est la preuve.
Mon mandat de premier ministre s’est surtout déroulé pendant et après la crise financière mondiale. Sous mon gouvernement, le Canada a évité le pire de la crise et en est sorti plus fort. Pour les Conservateurs canadiens, il s’agit du gouvernement qui a servi le plus longtemps depuis 1891. À tout point de vue, nous avons laissé le pays en bonne santé. Aucune insurrection populiste n’a surgi à notre droite et, par conséquent, depuis notre retour dans l’opposition en 2015, nous sommes restés un parti fort et uni.
Grâce à nos nombreux succès – et à nos bévues occasionnelles – les Conservateurs canadiens ont mis en œuvre bon nombre de politiques et de stratégies nécessaires pour relever les défis auxquels les sociétés occidentales sont actuellement confrontées. J’appelle cette approche « conservatisme populiste ». Qu’est-ce que le conservatisme populiste ? Il s’agit de mettre les valeurs et les idées conservatrices au service des travailleurs et de leurs familles. Il s’agit d’utiliser des moyens conservateurs à des fins populistes.
Je suppose que mon populisme résulte du fait que je suis passé par l’école publique et issu de la classe moyenne. Cette expérience m’a appris l’importance de rendre les politiques pertinentes pour les familles de travailleurs. La victoire bouleversante de Donald Trump et les dix-huit premiers mois tumultueux de son mandat ont donné lieu à de nombreuses prédictions sur notre avenir politique.
Certains prétendent que le conservatisme est « mort ». D’autres disent la même chose du populisme. Mais rien de tout cela ne change les forces qui ont mis Trump au pouvoir. Le populisme sera avec nous tant que les hommes, les femmes et les familles qui travaillent continueront de faire face aux pressions économiques et sociales actuelles et que les partis politiques traditionnels ne s’adapteront pas. (…)
L’élaboration des politiques ne se fait pas dans le cadre d’une version théorique de la réalité. Cela se produit dans le monde réel, avec des compromis, des options imparfaites et des considérations non économiques. Il y a beaucoup de nécrologies qui sont écrites, parlant du déclin de l’Occident en général et de l’Amérique en particulier. Celles-ci contiennent quelques éléments de vérité.
Pour nombre de leurs auteurs, cependant, un tel déclin serait de toute évidence une évolution positive.
Je ne partage pas ce point de vue. Il ne fait aucun doute que le monde occidental – en particulier les États-Unis – traverse une période de tumulte et de perturbation. Néanmoins, les sociétés capitalistes démocratiques ont toujours fait preuve d’un dynamisme, d’une résilience et d’une adaptabilité inégalés. Je suis convaincu qu’avec les bonnes idées, les bons choix et le bon leadership, nous sortirons de cette ère meilleurs et plus forts.
Il y a beaucoup de gens qui semblent souhaiter que les événements de 2016 ne se reproduisent pas. Des éléments influents au Royaume-Uni – ceux que l’on appelle sarcastiquement les » Remoaners » (les Pro-remain qui gémissent) – cherchent à renverser le vote en faveur du Brexit ou, à tout le moins, à obtenir un accord avec l’Union européenne qui s’inspire des relations actuelles avec le Royaume-Uni.
Aux États-Unis, une grande partie du narratif anti-Trump montre un désir de nier la simple réalité: le fait qu’il a gagné parce qu’assez de gens dans assez de régions ont volontairement voté pour lui. Dans les deux cas, l’espoir sous-jacent est que les choses « redeviendront » telles qu’elles étaient avant.
Mais ce n’est pas la tendance. Les mouvements populistes, nationalistes et anti-establishment
continuent de se développer. Il suffit de regarder l’Europe.
Une analyse de 22 pays européens réalisée fin 2017, a révélé que le soutien à ces partis est à son plus haut niveau depuis au moins trois décennies.
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De récents votes aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Italie et ailleurs ont vu ces options faire des gains importants aux dépens du centre gauche traditionnel et du centre droit. Dans certains cas, ils sont sur le point de prendre le pouvoir. Même là où ils ne le sont pas, ils rendent souvent longue et laborieuse la formation de coalitions gouvernementales.
Mon diagnostic est simple : la tendance populiste ne s’arrêtera pas tant que les problèmes qui l’animent ne seront pas résolus. Il est vrai que ces nouvelles alternatives populistes risquent de ne pas être à la hauteur aux yeux d’un grand nombre de leurs adeptes. Mais la nature humaine étant ce qu’elle est, il est peu probable que ceux qui seront déçus « reviennent ». Pour les raisons qui les ont poussés à partir, ils passeront à autre chose.
Plus j’observe ces grandes surprises politiques, plus j’estime qu’elles n’auraient pas dû être des surprises. Nous vivons à une époque de bouleversements d’une ampleur, d’une portée et d’un rythme sans précédent. Des industries entières vont et viennent. Les nouvelles technologies redonnent du travail aux collectivités. Les normes culturelles changent presque au hasard. Apparemment, aucune institution ni aucun aspect de la vie traditionnelle n’est à l’abri.
Il est compréhensible – voire prévisible – que les travailleurs ordinaires soient anxieux dans de telles circonstances. De plus, les données indiquent qu’un grand nombre d’entre eux subissent des conséquences graves et négatives. Ainsi, de vastes perturbations sociales se transforment en perturbations politiques généralisées au fur et à mesure que la nuit suit le jour. Et cette tendance se poursuivra si les options politiques traditionnelles, tant conservatrices que libérales, maintiennent leurs façons de faire actuelles.
Par conséquent, nous devons élaborer un programme qui, tout en étant fondé sur nos valeurs durables, est axé sur les problèmes auxquels les travailleurs et leurs familles sont confrontés aujourd’hui.
Il doit en particulier répondre aux préoccupations populistes concernant l’économie de marché, le commerce, la mondialisation et l’immigration.
En s’attaquant à ces problèmes, les Conservateurs devraient continuer à avoir à cœur d’être favorables au marché, au commerce, à la mondialisation et à l’immigration. Aller dans une direction complètement opposée dans l’un ou l’autre de ces domaines serait une grande erreur qui aurait de graves ramifications.
Mais être pro-marché ne signifie pas que toutes les réglementations doivent être démantelées ou que les gouvernements ne doivent jamais intervenir. Le fait d’être en faveur du commerce international n’implique pas qu’un arrangement commercial soit bon. Le fait d’être pro-mondialisation ne devrait pas entraîner l’abdication de la loyauté ou de la responsabilité à l’égard de nos pays. Et être pro-immigration ne devrait jamais signifier sanctionner l’effacement de nos frontières ou ignorer les intérêts de nos citoyens.
Bref, le fait d’être pro-quelque chose n’est pas une excuse pour des divergences idéologiques. Il s’agit de revenir à des applications pragmatiques de nos valeurs et de sortir de l’abstraction théorique dans nos actions. En matière de politique publique, il s’agit de retrousser nos manches, de connaître les détails et de surveiller les répercussions sur la vie des gens. Oui, nous avons une orientation générale, mais cela ne rend pas tous les choix évidents ou faciles.
On peut appeler cela du « conservatisme populiste » ou du « conservatisme appliqué », mais, à mon avis, c’est vraiment du conservatisme. Le conservatisme consiste à voir le monde tel qu’il est et à appliquer les leçons de l’expérience à de nouveaux défis. Il est fondamentalement populiste en ce sens qu’il s’intéresse nécessairement aux gens plutôt qu’aux théories.
Le chroniqueur conservateur Charles Krauthammer a écrit un jour que « si nous ne faisons pas de la politique correctement, tout le reste risque de disparaître ». Cela semble un peu hyperbolique, mais de mauvaises relations humaines peuvent tout gâcher. Une politique stable et réactive est un ingrédient essentiel d’une société forte et dynamique. Les endroits où la politique échoue sont invariablement confrontés à des défis économiques et sociaux encore plus importants.
La politique n’est pas tout, mais elle est essentielle pour fournir un cadre permettant aux individus, aux familles et aux collectivités de réussir. La politique d’aujourd’hui est exceptionnellement troublée. C’est une grande ironie. Nous vivons une période excitante. Notre époque en est une de plus grande richesse pour un plus grand nombre de personnes que jamais auparavant. Nous vivons plus longtemps et en meilleure santé. Les développements technologiques ouvrent les portes des possibilités humaines
Mais pour saisir ces occasions, nous devons nous assurer que nous faisons de la bonne politique. Que vous acceptiez ou non mon analyse et mes prescriptions, j’espère qu’elles vous amèneront à réfléchir à ce que nous pouvons faire en cette période de perturbation sans précédent pour y parvenir, ici et maintenant.
* Extrait de Right Here, Right Now : Politics and Leadership in the Age of Disruption par Stephen J. Harper. Copyright © 2018 Harper & Associates Consulting, Inc. Publié par Signal, une marque de McClelland & Stewart, division de Penguin Random House Canada Limited. Reproduit avec l’accord de l’éditeur. Tous droits réservés.
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