Zelensky appelle hier l’OTAN à des frappes «préventives» sur le territoire russe, c’est-à-dire à mondialiser le conflit, avant de faire une légère marche arrière par l’intermédiaire de son porte-parole, évoquant une incompréhension. La vidéo étant parfaitement claire, les paroles ont été prononcées. Parier sur l’autonomie de l’acteur Zelensky dans cette mise en scène serait oublier un peu trop vite le producteur. Alors quel jeu se joue sur fond d’escalade artificielle de la menace nucléaire ?
Lors de son intervention hier à un groupe de réflexion australien, Zelensky a déclaré :
«Que doit faire l’Otan ? Éliminer la possibilité que la Russie utilise des armes nucléaires. Mais surtout, je lance à nouveau un appel à la communauté internationale, comme avant le 24 février : des frappes préventives, pour qu’ils sachent ce qui leur arrivera s’ils les utilisent», a déclaré le dirigeant ukrainien. «Et non l’inverse, attendre des frappes nucléaires de la Russie pour pouvoir dire : ‘Oh, eh bien, tu fais ça, alors maintenant prends ça de notre part!’», a-t-il ajouté. «Revoir sa façon de faire pression, voilà, c’est ce que doit faire l’Otan, revoir sa façon de l’utiliser»
L’on peut l’entendre sur la vidéo ici à la minute 22.02 :
La réaction de Moscou ne s’est pas faite attendre. Dans une interview à Ria Novosti, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a rappelé que Zelensky étant téléguidé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ces pays portent la responsabilité de telles paroles, qui ne sont rien de moins qu’un appel à ouvrir une guerre mondiale — nucléaire.
Peu après, le porte-parole de Zelensky estime qu’il a mal été compris, voici ce que Zelensky aurait soi-disant voulu dire, faute de l’avoir dit :
«Le président a parlé de la période d’avant le 24 février. Il aurait fallu alors prendre des mesures préventives pour ne pas permettre à la Russie de déclencher la guerre. Je rappelle que les seules mesures dont il était alors question, c’étaient les sanctions», a-t-il mis en avant. Kiev n’appellera «jamais» à l’emploi d’armes nucléaires, a encore rassuré le représentant. «
A aucun moment, il n’est question de sanctions dans les propos de Zelensky et lorsqu’il évoque la période antérieure au 24 février, c’est pour insister sur le fait qu’il réitère sa demande de frappes préventives. C’est-à-dire d’agression du territoire russe et déclenchement d’un conflit mondial, à dimension atomique.
Zelensky est un acteur, il le reste, il continue de jouer le rôle du Président ukrainien, comme il le faisait antérieurement dans une série télévisée, ce qui lui a valu d’entrer en fonction. Simplement, le script est écrit par d’autres personnes, lui continue à le lire. Et c’est bien cela, qui est intéressant. Quel est le but d’une telle sortie ?
La rhétorique de la guerre nucléaire est dangereusement banalisée dans le discours politico-médiatique. Cette sortie médiatique de Zelensky entre dans le processus d’une «normalisation» de la guerre nucléaire, alors que la bombe atomique était présentée justement comme un moyen d’éviter l’escalade définitive, plusieurs pays la possédant.
Détruire ce tabou permet dans un premier temps de faire une «guerre nucléaire médiatique«. Parallèlement au front militaire, duquel dépend le contrôle réel du territoire et donc la victoire ou la défaite, le front médiatique (dit guerre de l’information) est très présent pour préparer les esprits, légitimer les stratégiques militaires et créer la figure de l’ennemi. La rhétorique ici est celle devant légitimer l’idée de la possible destruction de l’ennemi, la Russie, avant qu’elle ne nous détruise. Le fait que la doctrine nucléaire russe ne prévoit pas l’utilisation des armes nucléaires, autrement qu’en réponse à un danger vital pour le pays, est volontairement oublié.
La question n’est pas ce que l’Ukraine et Zelensky recherchent ou veulent, ils ne sont pas en position de «vouloir», ils exécutent. Il s’agit plutôt de savoir jusqu’où les Atlantistes sont prêts à aller pour ne pas perdre leur pouvoir. Ici, la détermination politique réelle de la Russie sera un facteur les retenant.