Dans son dernier livre, «A la première personne», Alain Finkielkraut répond à ceux qui le traitent de réactionnaire. L’occasion d’interroger le philosophe, ancien directeur de la revue «Le Messager européen», sur ces trente années écoulées, durant lesquelles la mondialisation débridée a déferlé sur l’ancien glacis soviétique à l’est de l’Europe.
« (…) La France n’est pas programmé pour devenir une juxtaposition des communautés, accompagnée d’une certaine gestuelle religieuse et identitaire dont le port du voile islamique est l’une des principales marques. Est-ce que cela vaut aussi pour l’Europe? Je pense que oui. »
« (…) La cassure entre l’Europe occidentale et l’Europe centrale ou orientale est évidente. Hier, c’était un rideau de fer politique. Aujourd’hui, c’est un fossé culturel. Les Européens de l’Est ne veulent pas devenir des citoyens de sociétés multiculturelles. Ils veulent préserver l’héritage européen. Je vois bien que, derrière cela, des tentations politiques autoritaires sont aussi à l’œuvre, mais nous devons cesser de regarder ce qui se passe là-bas avec condescendance! J’ai entendu un ancien conseiller de Vaclav Havel, ancien président tchèque et grand défenseur des libertés, me dire qu’il ne souhaitait pas voir sa ville, Brno, devenir «la Marseille de l’Europe de l’Est». »
« (…) L’Europe de l’Ouest a été traumatisée, et elle le reste, par l’apocalypse nazie. Tout vient de là. Notre partie de l’Europe est sortie de son histoire dans l’espoir de ne pas retomber dans la folie. Les Européens ont voulu ne plus exclure, par peur d’emprunter de nouveau la voie raciste. Nous nous sommes aveuglés pour ne pas voir cette dimension de l’existence qu’est l’identité. On a donc créé – et l’intégration communautaire y a contribué – une sorte d’«homo economicus» européen standard et formaté. Les Européens de l’Est, eux, n’ont pas grandi dans cette obsession de l’apocalypse. »