Les Français, ménages comme entreprises, ont payé plus d’impôts qu’ils ne l’ont jamais fait depuis 30 ans. Les prélèvements obligatoires en 2022 ont atteint 45,2% du PIB en 2022, soit 0,9 point de plus par rapport à 2021 où le taux a été évalué à 44.3%. En euros, cela fait une augmentation de 86,4 milliards, pour atteindre 1 194 milliards contre 1 107.7 milliards en 2021, selon les derniers chiffres publiés dans le rapport économique, social et financier (RESF), publié le 4 octobre 2022.
Dans son rapport de la précédente année, le gouvernement tablait sur une baisse en 2022 du taux de prélèvements obligatoires à 43.5% du PIB. C’est finalement un nouveau pic après celui de 2017 (45,1%) que le RESF a dévoilé.
Dans son rapport, le gouvernement explique “principalement cette forte hausse par le dynamisme des prélèvements obligatoires, avec une croissance spontanée (+8,2 %) plus élevée que celle du PIB en valeur (+5,6 %), du fait notamment du dynamisme de certaines assiettes macro-économiques (masse salariale, emplois taxables à la TVA, bénéfices des entreprises)”.
Selon le rapport annuel sur les recettes fiscales de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), la France est le deuxième des 36 pays étudiés où la pression fiscale était la plus élevée en 2021 (ratio impôts/pib de 45.1), derrière le Danemark (46.9%).
« Où passe le pognon ?”
L’impôt sur les sociétés, la TVA et l’IRG sont à l’origine des augmentations les plus conséquentes. Les recettes supplémentaires issues de l’impôt sur les sociétés ont atteint 12,7 milliards. Les impôts sur le revenu ont généré 8 milliards en plus. La TVA est à l’origine de la plus grosse augmentation, située à 18 milliards. La taxe sur la valeur ajoutée est ainsi à l’origine de 200 milliards d’euros en 2022, “grâce”, notamment, à l’inflation et la hausse des prix. Celle-ci est d’ailleurs la principale cause, avec la baisse de la croissance du PIB, de la hausse du taux de PO, explique le think tank Ifrap.
Qui encaisse toutes ces recettes fiscales ? La Sécurité sociale est la grande bénéficiaire en récupérant 45 des 86,4 milliards d’euros supplémentaires. L’État vient en deuxième position, récupérant 34 milliards. Les collectivités locales prennent, quant à elles, 8 milliards d’euros.
Les prélèvements obligatoires atteignent ainsi un record historique au moment où, paradoxalement, plusieurs secteurs sensibles, à l’image de celui de la santé ou encore de la justice, souffrent de carences en moyens. A la fin du mois de novembre, les magistrats entraient en grève pour dénoncer leurs conditions de travail et réclamer des moyens humains supplémentaires. Plusieurs tribunaux à travers la France exigent des dizaines de juges et de greffiers supplémentaires pour répondre au nombre croissant de dossiers.
Début 2022, des personnels hospitaliers ont manifesté leur désarroi dans les rues de toute la France pour réclamer des hausses de salaires, mais surtout « des moyens » et des « postes » pour l’hôpital public lessivé par les vagues successives de Covid-19 et l’arrêt des fermetures de lits. Des médias ont également fait état de démissions en raison du manque de moyens et à la dégradation de la qualité du service rendu à l’hôpital public, aggravée par la suspension des soignants non-vaccinés toujours suspendus.
De quoi rappeler, la question, en janvier 2021, de Charles Gave, essayiste et financier, qui se demandait face au taux de prélèvements obligatoires extrêmement élevés en France, “où passait le pognon (…) Pourquoi, aujourd’hui, la police ne marche pas, la justice ne marche pas, l’armée ne marche pas, la diplomatie ne marche pas, la santé ne marche pas (…) et on a jamais eu des prélèvements sociaux aussi incroyables”.
“Cela risque de durer”
La directrice générale de la Fondation iFrap, Agnès Verdier-Molinié, estimait dans une tribune que “la situation est d’autant plus désolante que le gouvernement aurait pu limiter, cette année, la surtaxation des Français et de leurs entreprises. Il était possible et juste de revoir le barème de l’impôt sur le revenu en se fondant sur l’inflation réelle (autour de 7 % à l’indice des prix à la consommation harmonisé de novembre à novembre) et non de 1,5 % comme il a été décidé”.
Elle regrette que “l’exécutif soit trop tenté d’encaisser les recettes supplémentaires et de les dépenser en faisant des chèques énergie, des chèques de rentrée scolaire, etc. plutôt que de baisser les impôts”. Agnès Verdier-Molinié estime que “cela risque de durer” puisque dans le budget 2023 figure une revalorisation “des bases cadastrales et donc les taxes foncières des ménages et des entreprises de 7 % tout en plafonnant les loyers à +3,5%”. “La France n’en a pas fini avec les records de fiscalité. Les factures d’impôts vont continuer à s’envoler”, conclut-elle.