Le jihadisme sanglant de 2015 n’est pas le fruit d’une génération spontanée, mais de plus de 20 ans d’essor de l’islamisme dans quelques « enclaves » françaises et belges négligées et dans les prisons, selon une étude à paraître jeudi.
Fin février 2019, Hugo Micheron, chercheur au CNRS, met une toute dernière main à sa thèse sur le jihadisme français lorsqu’il apprend la mort des frères Clain, tués dans le dernier réduit syrien tenu par le groupe Etat islamique (EI).
Le chercheur a notamment interrogé 80 jihadistes en prison et enquêté dans leurs principaux fiefs: les régions toulousaine, parisienne, niçoise et du nord de la France, ainsi que Bruxelles-Molenbeek en Belgique qui sera très impliquée dans les attentats du 13-Novembre. […]
L’arrivée dans les années 90 de prêcheurs islamistes, issus notamment des filières afghane et algérienne, sera selon M. Micheron le premier facteur de basculement de ces « enclaves » dans le jihadisme. « A Trappes, Toulouse, Strasbourg, Roubaix… ils vont continuer leurs prédications. Et leurs relais locaux, comme les Clain à Toulouse, vont mettre en place un maillage du territoire avec des écoles hors contrat, des associations loi 1901« , explique M. Micheron.
Les autorités s’en inquiètent d’autant moins qu’entre 1996 et 2012, aucun attentat n’a lieu en France, souligne M. Micheron. Et lorsque survient Mohammed Merah en 2012, elles le présentent un peu vite comme un « loup solitaire », oubliant qu’il est un pur produit de la filière toulousaine des années 2000. […]
Si l’EI a aujourd’hui disparu territorialement, la menace idéologique perdure en France, souligne M. Micheron, notamment dans les prisons, « premier réservoir humain de la mouvance« , avec 500 jihadistes incarcérés et 1.200 autres prisonniers radicalisés.