Peut-on comprendre le pape François ?

L’ancien chevalier de l’Ordre de Malte, Henry Sire – exclu après avoir publié Le pape dictateur. L’histoire cachée du pontificat (traduction française aux Presses de la Délivrance, 2018) –, a accordé un entretien à Gloria TV, repris par Aldo Maria Valli sur son blogue le 10 décembre 2021. On peut y relever plusieurs affirmations sur le rôle essentiel que l’origine argentine du pape joue sur son pontificat.

Henry Sire déclare ainsi : « fondamentalement, le problème est que le pape Bergoglio n’a pas de vrais principes, comme le péroniste typique qu’il est ». Un peu plus loin il affirme que c’est « certainement un désastre pour l’Eglise d’avoir comme pape le représentant d’une très mauvaise culture politique comme celle de l’Argentine ».

A la question : « En quoi consiste cette culture politique ? », il répond : « dans des méthodes dictatoriales, bien sûr. D’autres éléments de cette culture sont un populisme tapageur qui permet à un politicien de soutenir “le peuple” alors qu’en fait il ne fait rien pour le peuple, et un anti-yankeeisme [anti-américanisme] hérité – qui a motivé le désastreux abandon de François face au gouvernement communiste chinois. »

Question : « François aime se cacher derrière des contradictions, par exemple il qualifie l’avortement de meurtre à gages et considère en même temps l’avorteuse Emma Bonino comme l’un des “grands d’Italie”. Quelles sont les “tactiques” qui se cachent derrière tout cela ? »

Réponse : « C’est à nouveau typique du péronisme, qui envoie des signaux contradictoires à l’autre partie. Un Argentin le comprendrait très bien, mais pour le reste du monde, ce serait incompréhensible. »

Plus loin, Henry Sire n’hésite pas à affirmer : « François n’a pas d’autre politique que de gagner les applaudissements des élites modernes en suivant tous leurs caprices : alarmisme climatique, immigration incontrôlée, imitation du marxisme au service du capitalisme moderne “woke”.

« Si vous regardez le bilan de Bergoglio avant qu’il ne devienne pape, il a fait preuve d’un certain populisme, dans le sens où il s’est allié aux syndicats, etc., mais n’a rien fait pour les vrais pauvres en Argentine, et il n’a pas changé en tant que pape. Sa politique est juste de presser certains boutons linguistiques. Les médias réagissent servilement en le dépeignant comme le champion des pauvres, pour lesquels il ne fait rien en pratique. »

Un pontificat « péroniste » ?

Ces déclarations peuvent paraître péremptoires, elles sont pourtant indirectement corroborées par une étude parue sur le site Res novæ, le 1er janvier 2022, sous la plume de l’abbé Jean-Marie Perrot, et intitulé La périphérie (argentine) devenue centre et vice-versa.

L’auteur se penche sur la « théologie du peuple à fondement péroniste » qui caractérise la pensée du pape François : « Nous appuyant sur un article un peu ancien mais auquel l’actualité conserve sa pertinence, nous voudrions éclairer un trait important, peut-être le plus fondamental, la pierre d’angle même de la pensée bergoglienne.

« Intitulé “Aux sources culturelles de la pensée du pape François”, cet article1 est un long commentaire, à la fois laudatif et critique, tant de la pensée de François que de la théologie du peuple, à travers la présentation d’un ouvrage de Juan Carlos Scannone, dont le sous-titre est “les racines théologiques du pape François”.

« Rappelons, pour en indiquer l’intérêt, que le défunt jésuite argentin Scannone fut le professeur de Jorge Mario Bergoglio puis, celui-ci devenu François, son commentateur fervent. »

« On peut résumer la genèse de la théologie du peuple (et, selon Scannone, de la pensée de Bergoglio) ainsi : l’Eglise latino-américaine a reçu du concile Vatican II principalement la constitution pastorale Gaudium et spes, en l’enrichissant de la thématique de la pauvreté que les Pères conciliaires, pourtant encouragés par Jean XXIII au commencement, avaient oubliée et qui ne figure qu’à la marge dans les documents finaux.

« Plus encore, cette thématique fut placée à la source et au centre de la réflexion et ce, non d’une manière statique (ce qui n’aurait pu avoir que des conséquences conservatrices, caritatives), mais selon une dynamique radicale et globale de libération.

« C’était, selon ses promoteurs, interpréter, inculturer Gaudium et spes, mais aussi les enseignements de Lumen gentium sur l’Eglise comme peuple de Dieu, l’inculturation dont on parle ici ayant pour un de ses axes majeurs l’association – jusqu’à la tentation de les superposer – de la notion biblique et théologique de peuple de Dieu et de la réalité sociale, économique, politique du peuple dans les sociétés latino-américaines. On retrouve d’ailleurs cette polysémie ambiguë dans les documents de François. »

A suivre…

Note :

1. François Guibal, « Aux sources culturelles de la pensée du pape François », in Ephemerides Theologicae Lovanienses 93/4 (2017), pp. 685-708. Pour l’ouvrage recensé : Juan Carlos Scannone, La théologie du peuple. Les racines théologiques du pape François, traduction française mai 2017, éditions Lessius, 270 p. Francis Guibal en a été le traducteur et le préfacier. [Cette note et les suivantes sont de l’abbé Perrot.]

(Sources : Aldo Maria Valli/Res novæ – trad. à partir de benoitetmoi/DICI n°416 – FSSPX.Actualités)

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